Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/144

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vienne montrer de quoi nous sommes capables[1] ! »

Certes la Messiade ne fut pas un chef-d’œuvre à égaler, ni même à comparer à l’Hiade ou à l’Enéide ; elle reste encore bien loin de la Jérusalem délivrée ou du Paradis perdu. C’est affaire à la critique d’en étudier les mérites et les défauts. Après un siècle écoulé, admirateurs et détracteurs de Klopstock étaient d’accord pour ne plus lire ses vers :

Sacrés ils sont, car personne n’y touche.

Mais en 1748, lorsque parurent les trois premiers chants, le succès avait été prodigieux. Un concert d’éloges et d’encouragements s’éleva par toute l’Allemagne. Un ami de Klopstock lui écrivait : « L’Allemagne est fière de toi. Tu seras le premier entre les fils de la Germanie… À toi une gloire plus vraie, plus éternelle que celle du conquérant[2]. » Quel poème contemporain pouvait lutter avec la Messiade pour la dignité et le sublime du sujet, pour la majesté du style, pour la hardiesse de la conception, pour la profondeur et la sincérité du sentiment ?

Pourquoi Klopstock avait-il préféré l’histoire du Christ à la légende de Henri l’Oiseleur ? Il était naturel qu'il eût pensé d’abord à cet empereur célèbre, vainqueur des Hongrois, dont le tombeau était à Quedlimbourg, ville natale de Klopstock. En se décidant néanmoins pour l'épopée chrétienne, le poète obéissait à la fois à l'influence de Milton et à la ferveur de sa propre piété. Mais on peut dire aussi, sans paradoxe, que le sujet religieux était le

  1. Strauss, p. 34-36.
  2. Cité par Biedermann, II, 2, 120 — Voyez aussi Muncker, introduction aux trois premiers chants de la Messiade, Heilbronn, 1883.