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de ses anges dont il est parlé dans la Genèse, et le dieu suprême ou dieu bon.

Suivant le récit de la Genèse, du moins en partie, il montre l’homme fabriqué par ces êtres mauvais qui sont le démiurge et les anges, et en qui s’introduisent les passions, qui sont des esprits immondes. À cette créature, le Dieu suprême, le Dieu bon a ajouté une semence de la substance d’en haut, de l’esprit.

Toute l’histoire du monde est celle de la lutte contre les anges qui essayent de faire disparaître cette semence, et elle aboutit à sa délivrance. La rédemption ne consiste pas comme chez saint Paul dans l’efficace de la mort du Christ, mais elle dérive, comme on le voit surtout chez Héracléon, un disciple de Valentin, de la gnose ou révélation apportée par le Christ.

Après Valentin, le gnostique le plus connu est Marcion qui paraît avoir été surtout l’exégète du groupe ; c’est en effet par l’étude de textes qu’il cherche à montrer que le Dieu de l’Ancien Testament, révélé par Moïse, dieu cruel, vindicatif et belliqueux n’est pas le même que le Dieu révélé par le Christ, Dieu de bonté, créateur du monde invisible, tandis que le dieu de Moïse a créé le monde visible. Ils s’opposent l’un et l’autre comme la justice et la bonté. Aucun effort d’ailleurs pour justifier cette thèse autrement que par la double révélation des deux testaments ; l’important est pour lui de démontrer que le rédempteur, le Christ, qui nous délivrera du régime du démiurge n’est en aucune manière le Messie juif, prédit par les prophètes ; et il n’a pas de peine, en prenant les textes au sens littéral, à montrer qu’aucun trait du messie ne se retrouve chez Jésus. D’autre part il ne peut admettre que Christ, l’envoyé du dieu suprême, puisse avoir vraiment une nature corporelle, c’est-à-dire participer d’une manière quelconque au monde du démiurge ; il pense donc qu’il s’est révélé brusquement à l’état d’homme fait et que son corps n’est qu’apparent. Marcion déduisait de ces vues l’ascétisme le plus strict, proscrivant le mariage et faisant de la continence la condition du baptême ; ainsi on échappe, au moins de volonté, au monde du démiurge.

La pensée gnostique, après Valentin et Marcion, se dissipe en cette foule de systèmes connus par les Philosophumena, qui, chacun, avec des variations parfois les plus bizarres, traitent toujours le même thème, la délivrance par le Christ de l’âme d’origine divine