Page:Lévy - Stirner et Nietzsche.djvu/55

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théologie métaphysique ; il veut prouver contre Schopenhauer que les actes désintéressés ne sont pas des miracles, des actes à la fois impossibles et réels ; il veut montrer qu’il faut renoncer à la théologie apologétique qui, depuis Schleiermacher, se préoccupe plus de conserver la religion chrétienne que d’expliquer les phénomènes religieux ; il essaie donc d’analyser ce qui se passe dans l’âme des chrétiens, pour trouver une interprétation dégagée de toute représentation mythologique. C’est en psychologue que Nietzsche étudie dans cette deuxième période l’égoïsme, et c’est dans les œuvres des psychologues qu’il faut chercher l’origine de ses théories.

Nietzsche lui-même cite Lichtenberg et La Rochefoucauld. « Il nous est impossible, dit Lichtenberg, de sentir pour autrui comme on a coutume de dire ; nous ne sentons que pour nous. La phrase paraît dure ; elle ne l’est pourtant pas, pourvu qu’on l’entende bien. On n’aime ni père, ni mère, ni femme, ni enfant, mais les sentiments agréables qu’ils nous causent. » La Rochefoucauld dit de son côté : « Si on croit aimer sa maîtresse pour l’amour d’elle, on est bien trompé. » Mais l’influence qui a agi sur Nietzsche d’une manière décisive est évidemment celle de son ami Rée. L’auteur de l’Origine des sentiments moraux a fait connaître au philosophe allemand les théories anglaises sur la généalogie du bien et du mal. Nietzsche a sans doute déclaré qu’il n’y avait pas une phrase de Rée