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L’ŒUVRE DE P.-CORNEILLE BLESSEBOIS


soupirs en ma faveur, l’âme touchée d’une noble et visible émotion, vous vous allez jeter dans les bras d’un autre en ma présence, et après que j’ai allumé dans votre âme un beau feu, vous le laissez éteindre par les brutaux et honteux embrassements du plus vil et du plus infâme de tous les hommes.

— Si vous suspendiez, répondit-elle, Cléandre, vos ressentiments, je vous ferais assez facilement comprendre que, comme c’est vous seul qui avez allumé cette belle flamme dans mon cœur, vous seul aussi l’avez éteinte.

N’est-il pas vrai que l’âme n’est sensible qu’à ce que l’imagination représente, et que, puisque la mienne n’était remplie, dans les plus doux ravissements du plaisir, que de votre idée, je puis bien dire que par vous je l’ai vu mourir.

— Ah ! malaisément, répliqua Cléandre, quand on prête le corps, l’âme se peut défendre de le suivre, et cette union ne se rompt point sans de grandes violences. Dites plutôt, madame, que vous n’aimez pas Cléandre, mais que vous n’aimez qu’un homme en lui, et il vous répondra que s’il vous a aimée, il déteste cet amour comme la plus indigne faiblesse dont il a été capable en sa vie, et qu’à l’avenir il vous regardera avec autant de mépris et d’horreur qu’autrefois vous lui avez paru aimable !

En finissant ces dernières paroles, il sortit brusquement de la chambre, sans vouloir écouter un mot de