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L’ŒUVRE DE P.-CORNEILLE BLESSEBOIS


qu’elle n’avait pas encore passé la rivière lorsque le marquis du Grand-Pérou revint aussi du Marigot. Il n’avait non plus d’enjouement qu’un habitant mal aisé qui a perdu le meilleur de ses nègres : ce malheur lui était arrivé le soir précédent, et ce fut pour divertir en quelque façon sa mélancolie que je lui racontai l’entretien que j’avais eu avec sa maîtresse, et l’envie qu’elle avait de faire le Zombi pour l’épouvanter et pour lui faire mettre la main à la conscience. D’abord il trouva bon de la faire venir dans notre chambre pour rire de sa facilité ; mais, après un peu de réflexion, il remit la partie à son retour de la Grande-Terre, où il allait le lendemain couper du bois pour faire son moulin à eau.

            Je ne sais si sa jalousie
Avait sur son esprit fait quelque impression,
L’âme d’un amoureux en est souvent saisie ;
      Mais tout le jour il fut en fantaisie
            Et soupira d’affliction.

Je n’avais pas fait cette confidence au marquis avec tant de précautions que le prince étranger, qui a un appartement et des esclaves au Grand-Pérou, et qui nous épiait de loin, n’en soupçonnât quelque chose ; il ne me donna point de repos que je ne l’en eusse rendu savant, et comme il aime uniquement le plaisir, il me convia avec instance de lui faire jouer le personnage que je voudrais dans cette comédie.