Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/26

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chemin, car Angélique, autant qu’elle peut donner de l’éperon, le chasse à travers le bois et la campagne.

Après que les deux guerriers se furent longtemps fatigués en vain pour s’abattre réciproquement, tous les deux étant de forces égales les armes en mains et non moins habiles l’un que l’autre, le seigneur de Montauban fut le premier qui parla au chevalier d’Espagne, comme quelqu’un qui a dans le cœur tant de feu qu’il en brûle tout entier, et ne trouve pas le temps de l’exhaler.

Il dit au païen : « Tu auras cru nuire à moi seul, et pourtant tu te seras nui à toi-même avec moi. Si tout cela arrive parce que les rayons fulgurants du nouveau soleil t’ont allumé la poitrine, quel bénéfice auras-tu de me retarder ici ? Quand bien même tu m’aurais mort ou prisonnier, la belle dame n’en serait pas plus à toi, car pendant que nous nous attardons, elle va son chemin.

« Combien mieux vaudrait-il, si tu l’aimes aussi, de te mettre au travers de sa route pour la retenir et l’arrêter, avant que plus loin elle ne s’en aille ! Quand nous l’aurons en notre pouvoir, alors nous verrons avec l’épée à qui elle doit appartenir. Autrement, je ne vois pas, après une longue fatigue, qu’il puisse en résulter pour nous autre chose que du désagrément. »

La proposition ne déplaît pas au païen. Leur querelle est ainsi différée, et entre eux naît subitement une telle trêve, la haine et la colère s’en vont en tel oubli, que le païen, en s’éloignant des