Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/35

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attitude, ces manières charmantes et cette physionomie vraiment angélique.

Plein d’un doux et amoureux émoi, à sa dame, à sa déesse il court ; celle-ci, les bras autour du col, le tient étroitement serré, ce qu’au Cathay elle n’aurait sans doute jamais fait. Au royaume paternel, à son palais natal, l’ayant désormais avec elle, elle reporte son esprit. Soudain en elle s’avive l’espérance de revoir bientôt sa riche demeure.

Elle lui rend pleinement compte de ce qui lui est advenu à partir du jour où elle l’envoya demander du secours en Orient, au roi des Séricans et des Nabathéens ; et comment Roland la garda souvent de la mort, du déshonneur, de tous les mauvais cas ; et qu’elle avait ainsi sauvé sa fleur virginale, telle qu’elle la reçut du sein maternel.

Peut-être était-ce vrai ; pourtant, ce n’était pas croyable à qui de ses sens eût été le maître. Mais cela lui parut facilement possible, à lui qui était perdu dans une plus grande erreur. Ce que l’homme voit, Amour le lui rend invisible, et ce qui est invisible, Amour le lui fait voir. Cela fut donc cru, car le malheureux a coutume de donner facile créance à ce qu’il désire.

« Si, par sa sottise, le chevalier d’Anglante sut si mal prendre le bon temps, il en supportera le dommage ; car, d’ici à longtemps, la fortune ne l’appellera à si grand bien. — Ainsi, à part soi, parlait Sacripant. — Mais moi, je me garderai de l’imiter, en laissant un tel bien qui m’est advenu, car ensuite je ne pourrais m’en prendre qu’à moi-même.