Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/48

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il vole avec un tel désir, que non seulement un destrier, mais le vent lui paraîtrait lent.

C’est à peine s’il s’arrête la nuit dans sa poursuite, tant il brûle d’affronter le seigneur d’Anglante, et tant il a cru aux paroles vaines du messager du rusé nécromancien. Il ne cesse de chevaucher du matin au soir, qu’il n’ait vu apparaître la ville où le roi Charles, vaincu et fort maltraité, s’était réfugié avec les restes de son armée.

Et parce que du roi d’Afrique il y attend bataille et assaut, il a grand souci de rassembler des gens braves et des approvisionnements, de creuser les fossés et de réparer les murailles. Tout ce qu’il pense pouvoir servir à la défense, sans le moindre retard il se le procure. Il songe à envoyer un message en Angleterre et à en tirer des troupes avec lesquelles il puisse former un nouveau camp.

Car il veut sortir de nouveau pour tenir la campagne et tenter encore le sort des armes. Il dépêche en toute hâte Renaud en Bretagne, en Bretagne qui fut depuis appelée Angleterre. Le paladin se plaint fort de cette mission, non qu’il ait ce pays en haine, mais parce que Charles veut qu’il parte sur l’heure et ne lui laisse pas un jour de répit.

Renaud ne fit jamais chose aussi peu volontiers, car cela le détournait de rechercher le visage serein qui, du fond de la poitrine, lui avait enlevé le cœur. Mais néanmoins, pour obéir à Charles, il se mit sur-le-champ en chemin et, en peu d’heures, il se trouva à Calais. À peine arrivé, il s’embarqua le même jour.