Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/81

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mage, le blâme et même la mort. Car nous n’avons pas toujours affaire à des amis, dans cette vie mortelle, beaucoup plus obscure que sereine et toute pleine d’envie.

Si, seulement après une longue épreuve, on peut trouver à grand’peine un ami véritable à qui, sans aucune défiance, on parle et on montre à découvert sa pensée, que devait faire la belle amie de Roger avec ce Brunel faux et pervers, dissimulé et cauteleux dans toute sa personne, ainsi que la magicienne l’avait dépeint ?

Elle dissimule, elle aussi, et il lui faut bien agir ainsi avec ce maître en fourberies. Et, comme je l’ai dit, constamment elle a les yeux sur ses mains, qui étaient rapaces et voleuses. Mais voici qu’à leur oreille une grande rumeur arrive. La dame dit : « Ô glorieuse Mère, ô Roi du ciel, qu’est cela ? » Et elle se précipite à l’endroit d’où provenait la rumeur.

Et elle voit l’hôte et toute sa famille qui, en dehors du chemin, tenaient les yeux levés au ciel, comme s’il y eût eu une éclipse ou une comète. La dame aperçoit alors une grande merveille qui ne serait pas facilement crue : elle voit passer un grand destrier ailé qui porte dans l’air un chevalier armé.

Grandes étaient ses ailes et de couleurs variées. Au beau milieu se tenait un chevalier dont l’armure était de fer lumineux et étincelant. Il avait dirigé sa course vers le ponant. Il s’éloigna et disparut à travers les montagnes. C’était, comme dit