Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/116

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telle fureur, et les jeux auxquels ils croyaient assister se changer en luttes sanglantes — ils ignoraient le motif de la colère du peuple et l’injure grossière faite au roi — et restent indécis et stupéfaits.

Quelques-uns, ayant voulu venir en aide à la foule, ne tardent pas à s’en repentir ; d’autres, qui se soucient peu de ce qui peut arriver à une ville où ils sont étrangers, se préparent à partir. Les plus sages tiennent leurs chevaux en bride, et attendent l’issue du combat. Griffon et Aquilant sont au nombre de ceux qui s’élancent pour venger l’injure faite aux armes du roi.

Tous deux avaient vu le roi, dont les yeux étaient injectés de sang et ivres de colère. Ils avaient appris, par ceux qui les entouraient, le motif de la querelle, et Griffon avait compris que l’injure ne s’adressait pas moins à lui qu’au roi Norandin. Son frère et lui s’étaient fait apporter en toute hâte leurs lances, et ils accouraient, furieux, à la vengeance.

D’un autre côté s’en venait Astolphe, devançant tous les autres, et éperonnant Rabican. Il tenait en main la lance d’or enchantée qui abattait sous le choc les plus fiers jouteurs. Il en frappe le premier Griffon qu’il jette à terre, puis il va à la rencontre d’Aquilant. À peine a-t-il touché le bord de son écu, qu’il le renverse dans la poussière.

Les chevaliers les plus renommés et les plus vaillants vident la selle sous la lance de Sansonnet ; le peuple cède enfin la place, et le roi enrage de colère et de dépit. Pendant ce temps, Marphise, voyant