Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/194

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et il fit aussitôt faire volte-face à son cheval pour prendre du champ. Puis se soulevant sur ses étriers, il s’affermit en selle, et pour ne point frapper à faux, il dirige sa lance droit au milieu du bouclier de la damoiselle ; mais il semble qu’il heurte une montagne de fer. Quant à la guerrière, elle se borne à le toucher seulement au casque, et l’envoie étourdi hors de selle.

Zerbin ressent un vif déplaisir de sa chute ; pareille chose ne lui était encore arrivée en aucune rencontre ; il avait au contraire abattu mille et mille adversaires. Il en éprouve une honte ineffaçable. Longtemps il reste à terre, sans prononcer une parole. Son ennui est encore augmenté, quand il se souvient de la promesse qu’il a faite d’accompagner l’horrible vieille.

La triomphante Marphise, restée en selle, revient vers lui, et lui dit en riant : « Je te présente cette dame, et plus je considère sa grâce et sa beauté, plus je me réjouis de ce qu’elle t’appartienne. Rumplace-moi donc comme son champion. Mais que le vent n’emporte pas ton serment, et n’oublie pas de lui servir de guide et d’escorte, comme tu l’as promis, partout où il lui plaira d’aller. »

Puis, sans attendre de réponse, elle pousse son destrier à travers la forêt où elle disparaît aussitôt. Zerbin, qui la prend pour un chevalier, dit à la vieille : « Fais-le-moi connaître. » Et celle-ci, qui sait qu’en lui disant la vérité, elle envenimera son dépit : « Le coup qui t’a fait vider la selle,