Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/237

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car il est trop tard. Vous devez tenir votre serment, et faire trêve à vos paroles vaines et menteuses. » Roger de son côté leur criait : « Voici les armes, voici le destrier dont la selle et les harnais sont tout neufs ; voici encore les vêtements de cette dame. Si vous les voulez, pourquoi tant tarder ? »


Pressés d’un côté par la châtelaine, excités et raillés de l’autre par Roger, les chevaliers s’ébranlent enfin tous les trois, le visage enflammé de vergogne. Les deux fils de l’illustre marquis de Bourgogne marchent en avant ; Guidon, dont le cheval est plus lourd, les suit à peu d’intervalle.

Roger vient à leur rencontre avec la même lance dont il a abattu Sansonnet, et couvert de l’écu possédé autrefois par Atlante dans les montagnes des Pyrénées. Je veux parler de cet écu enchanté dont la vue humaine ne pouvait soutenir l’éblouissant éclat. Roger n’y avait recours que dans les plus graves périls et comme une ressource suprême.

Il s’était servi de sa lumière seulement trois fois, et dans trois circonstances redoutables : les deux premières, quand il lui fallut s’arracher aux mollesses du séjour de la volupté pour revenir à une vie plus honnête ; la troisième, quand il priva de sa pâture l’orque marine, dont les dents avides allaient dévorer, toute nue, la belle Angélique qui se montra ensuite si cruelle envers son libérateur.

Excepté dans ces trois circonstances, il avait tenu constamment l’écu caché sous un voile tout