Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/248

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l’avait pleurée en vain pendant longtemps, après l’avoir fait chercher par toute la France. Les baisers et les serrements de main de sa mère et de ses frères lui paraissent froids, auprès des baisers qu’elle a échangés avec Roger et qu’elle aura sans cesse empreints dans son âme.

Ne pouvant aller à Vallombreuse, elle pense à y envoyer quelqu’un pour prévenir Roger du motif qui l’empêche d’y aller elle-même, et pour le prier — comme s’il en était besoin ! — d’y recevoir le baptême pour l’amour d’elle, et de venir ensuite à Montauban pour la demander en mariage, ainsi qu’il était convenu.

Elle veut, par la même occasion, renvoyer à Roger son cheval, qu’il aime tant, et qui mérite si bien l’affection de son maître. On n’aurait pas. trouvé dans tout l’empire sarrasin ou dans le royaume de France, de plus beau et de plus vaillant destrier, si ce n’est Bride-d’Or et Bayard.

Roger, le jour où, emporté par son audace, il monta sur l’hippogriffe et disparut dans les cieux, avait laissé Frontin abandonné, — Frontin était le nom du destrier. — Bradamante le prit, et l’envoya à Montauban, avec recommandation expresse de ne le laisser monter que rarement et de le conduire toujours au pas, de sorte qu’il était plus brillant et plus gras que jamais.

Elle se met aussitôt à l’œuvre avec toutes ses dames, toutes ses damoiselles, et, par un subtil labeur, elle fait tracer sur une soie blanche et noire une broderie d’or fin ; elle en recouvre et en