Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/306

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moment de réfléchir longtemps au meilleur parti à prendre. Il laissa partir le.messager, et tourna bride vers l’endroit où la dame le pressait tellement d’aller, qu’elle ne lui donnait pas même le temps de se reposer.

En suivant le chemin qu’ils avaient pris tout d’abord, ils arrivèrent, au déclin du jour, dans une ville que le roi Marsile possédait au beau milieu de la France et qu’il avait prise, pendant la dernière guerre, au roi Charles. Roger ne fut arrêté par personne aux ponts-levis ou aux portes, bien que tout autour des remparts il y eût une grande quantité d’hommes d’armes.

La damoiselle qui l’accompagnait étant connue de ces gens, on le laissa passer librement et sans même lui demander d’où il venait. Il arriva à la grande place et la trouva pleine de monde, et éclairée par le feu d’un bûcher. Tout au milieu se tenait, le visage couvert de pâleur, le jouvenceau condamné à mort.

À peine Roger eut-il levé les yeux sur cet infortuné qui penchait vers la terre sa figure inondée de larmes, qu’il crut voir Bradamante, tellement le jeune homme lui ressemblait. Plus il regardait son visage et sa personne, et plus il lui semblait que c’était elle, « C’est Bradamante — se dit-il — ou je ne suis plus Roger !

« Emportée par une trop grande ardeur, elle aura pris la défense du condamné, et sa tentative ayant échoué, elle aura, je le vois, été faite prisonnière. Ah ! pourquoi s’est-elle tant pressée, puisque