Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/75

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dernier, entre avec audace dans la lice ; puis, se retirant dans un coin, il attend la fin d’une belle joute engagée entre deux chevaliers.

Le sire de Séleucie, un des huit qui devaient soutenir la lutte, combattait en ce moment contre Ombrun. Il le frappe au beau milieu du visage d’un tel coup de pointe, qu’il l’étend mort. Ce fut pour tous grand’pitié, car on le tenait pour bon chevalier. Non seulement on l’estimait pour son courage, mais on n’en aurait pas trouvé de plus courtois dans tout le pays.

Ce voyant, Martan eut peur qu’il ne lui arrivât pareil sort. Revenant à sa nature première, il commença à songer comment il pourrait fuir. Griffon, qui se tenait près de lui et en prenait soin, le pousse, après l’avoir encouragé par ses paroles et ses gestes, contre un gentil guerrier qui s’était avancé dans l’arène ; comme le chien qu’on pousse contre le loup,

Et qui s’approche derrière lui à dix ou vingt pas, puis s’arrête et regarde, en aboyant, son adversaire qui fait grincer ses dents menaçantes, et dont un horrible feu embrase les yeux : ainsi le lâche Martan, en présence de tous ces princes et de cette vaillante noblesse, évite la rencontre, et fait volte-face à droite.

Il eût pu en rejeter la faute sur son cheval qui aurait porté tout le poids de l’excuse ; mais à la façon dont il se servit de son épée, Démosthènes lui-même aurait renoncé à le défendre. Il semble qu’il est armé de carton et non de fer, tellement il craint d’être blessé par le moindre coup. Enfin il