Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’appelait le Grec — lui raconta de tout point l’histoire. « Hélas ! — lui dit le Grec— au moment où j’espérais pouvoir vivre près de toi, ô Fiammetta, ô mon âme, tu t’en vas, et je ne sais plus si je te reverrai jamais !

« Tous nos projets se changent en’amertume, puisque tu appartiens à d’autres et que tu vas si loin de moi. Ayant ramassé à grand’peine et à la sueur de mon front, un peu d’argent, prélevé sur mon salaire et sur les générosités de nombreux voyageurs, je me proposais de retourner à Valence, de te demander pour femme à ton père, et de t’épouser. »

La jeune fille, haussant les épaules, lui répond qu’il a trop tardé à venir. Le Grec pleure et soupire ; et feint de se retirer. « Veux-tu — dit-il — me laisser ainsi mourir ? Au moins laisse-moi éteindre le feu de mon désir entre tes bras serrés autour de ma poitrine ; le moindre instant passé avec toi, avant que tu partes, me fera mourir content. »

La-jeune fille, remplie de pitié, lui répond : « Sois certain que je le désire non moins que toi. Mais nous ne pouvons trouver ni le lieu ni le temps, ici où tant d’yeux sont braqués sur nous. » Le Grec reprend : « Je suis certain que si tu as pour moi seulement le tiers de l’amour que j’ai pour toi, tu trouveras un endroit où nous pourrons cette nuit nous ébattre ensemble un peu. »

« Comment le pourrai-je — lui dit la jeune fille