Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/118

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portent sur les ondes et sur la terre immense aussi vite que le souffle des vents. Puis il saisit la verge avec laquelle il ferme à son gré les yeux des hommes, ou arrache les mortels au sommeil ; le puissant meurtrier d'Argus s'envole en tenant cette verge entre ses mains. D'abord il s'arrête sur les montagnes de Pierie ; puis du haut des airs il s'élance et traverse l'océan. Le messager céleste effleure les vagues comme la mouette qui, dans les gouffres profonds de la mer stérile, poursuit les poissons et plonge ses ailes épaisses dans l'onde amère : tel paraît Mercure penché sur l'immense surface des eaux. Quand il touche à l'île lointaine, il quitte la mer azurée et marche sur le rivage ; bientôt il atteint la grotte spacieuse qu'habite Calypso, la nymphe à la belle chevelure. Mercure trouve la déesse dans l'intérieur de sa demeure : un grand feu brillait dans le foyer, et au loin s'exhalait le suave parfum du cèdre et du thuya fendus. Calypso, retirée du fond de la grotte, chantait d'une voix mélodieuse, et s'occupait à tisser une toile avec une navette d'or. — Autour de cette demeure s'élevait une forêt verdoyante d'aunes, de peupliers et de cyprès. Là, venaient construire leurs nids les oiseaux aux ailes étendues, les chouettes, les vautours, les corneilles marines aux larges langues, et qui se plaisent à la pêche[1]. Là une jeune vigne étendait ses branches chargées de nombreuses grappes. Là, quatre sources roulaient dans les plaines leurs eaux limpides qui, tantôt s'approchant et tantôt s'éloignant les unes des autres, formaient mille détours ; sur leurs rives s'étendaient de vertes prairies émaillées d'aches et de violettes. Un immortel qui serait venu en ces lieux eût été frappé d'admiration ; et, dans son cœur,

  1. Ce passage d'Homère : τῆισίν τε θαλάσσια ἔργα μέμηλεν (vers 67) a été rendu d'une manière obscure par tous les traducteurs, parce que les deux mots ἔργα μέμηλεν signifient tout ce qui se rattache à la mer, soit la navi­gation, soit la pêche. Ainsi les traducteurs latins, sans tenir compte de l'ex­tension donnée par le poète grec à ces deux mots, ont traduit ce passage par : quibus utique marina opera curœ-sunt. Dugas-Montbel, en suivant les ver­sions latines, a rendu ce même passage d'une manière incompréhensible par ces mots : qui se plaisent aux travaux de la mer. Voss a été beaucoup plus clair en disant : welche die Küste des Meers mit gierigem Blicke bestreifen (qui explorent d'un œil avide les côtes de la mer).