Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/124

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répandent sur la terre. — Alors le héros et la déesse se retirent dans l'endroit le plus secret de la grotte profonde, et tous deux ils se reposent en goûtant les charmes de l'amour.

Le lendemain, dès qu'apparaît la matinale Aurore aux doigts de rose, Ulysse se couvre de sa tunique et de son manteau. Calypso se revêt d'une robe éclatante de blancheur[1], faite d'un tissu délicat et gracieux ; elle entoure sa taille d'une belle ceinture d'or, et elle orne sa tête d'un voile magnifique ; puis elle se dispose à tout préparer pour le départ du magnanime Ulysse. Elle donne à ce héros une forte hache d'airain à double tranchant et facile à manier : un superbe manche de bois d'olivier s'adaptait à cette hache. Calypso lui donne encore une besaiguë[2] bien polie. La déesse le conduit ensuite à l'extrémité de l'île où croissent des arbres élevés, l'aune, le peuplier et le pin dont les rameaux atteignent les nuages ; ces arbres, morts et desséchés depuis longtemps, pouvaient facilement flotter sur les ondes. Quand l'auguste déesse a conduit Ulysse vers le lieu où croissent ces arbres élevés, elle retourne dans sa demeure.



Alors le héros coupe les arbres et se hâte de terminer ses travaux. Il abat vingt troncs desséchés, les émonde avec le fer, les polit avec soin et les aligne au cordeau. Calypso, la plus noble des déesses, lui apporte des tarières. Aussitôt Ulysse perce tous les troncs, les assemble, et construit un radeau au moyen de clous et de chevilles. De même qu'un habile charpentier forme le plan-

  1. Il y a dans le texte : ἀργύφεον φᾶρος μέγα ἕννυτο νύμφη (vers 230) (la Nymphe revêt un grand pharos blanc). Selon Dugas-Montbel le pharos était une espèce de manteau de toile que les hommes mettaient par-dessus la tunique lorsqu'ils ne se servaient pas du manteau nommé χλαῖνα, qui était de laine. Le même auteur ajoute que le pharos des hommes est toujours caractérisé dans Homère par l'épithète πορφύρεον (teint de pourpre), et que celui des femmes a constamment pour épithète ὰργύφεν (blanc, ou d'une blancheur éclatante) ; parce que celui des hommes servait de signe dans les combats, et que la couleur était plus apparente. Le pharos des femmes était un simple manteau sans agrafe, retenu par une ceinture qui passait au-dessous du sein.
  2. Homère dit : σκέπαρνον ; mais comme on entend par ce mot une hache à deux tranchants, une doloire, une besaiguë, nous avons adopté cette dernière signification. La besaiguë est encore un outil en fer acéré aux extrémités, et portant un manche au milieu.