Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/182

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Il s'arrête. Le héraut porte la part destinée à Démodocus ; il la place devant le chanteur, et celui-ci la reçoit avec plaisir. Alors tous les convives étendent leurs mains vers les mets qu'on leur a servis et préparés ; puis, quand ils ont apaisé la faim et la soif, le prudent Ulysse, se tournant vers Démodocus, lui parle en ces termes :

« Démodocus, je t'élève au-dessus de tous les mortels. Tu as sans doute été instruit par une muse, fille de Jupiter, ou par Apollon lui-même ; car tu chantes admirablement la triste destinée des Achéens : tu nous racontes tout ce qu'ils ont entrepris et souffert, toutes les fatigues qu'ils ont supportées comme si toi-même tu en avais été témoin ou comme si tu l'avais entendu dire par quelques-uns de ces guerriers. Maintenant poursuis ton récit et chante-nous l'histoire du cheval de bois que construisit Épéus avec le secours de Minerve, et qu'Ulysse, par ses ruses, conduisit dans la citadelle après avoir rempli les flancs de ce cheval de vaillants combattants qui renversèrent ensuite la ville d'Ilion. Si tu nous racontes fidèlement ces faits, je proclamerai alors devant tous les hommes qu'un dieu bienveillant t'a donné tes chants sublimes et divins. »

Aussitôt Démodocus, inspiré par une divinité, commence son récit en chantant d'abord comment une partie des Argiens s'embarquèrent sur des navires aux beaux tillacs, après avoir livré les tentes aux flammes, et comment l'autre partie de ces guerriers, sous la conduite du vaillant Ulysse, furent, au milieu de la place publique, cachés dans le cheval que les Troyens eux-mêmes avaient traîné dans la citadelle. Tandis que le cheval de bois était sur la place, les habitants d'Ilion agitaient divers avis : les uns voulaient rompre avec le fer les cavités de cet édifice, les autres proposaient de précipiter l'animal du haut des rochers, et les troisièmes demandaient qu'il devînt une offrande expiatoire destinée à apaiser les dieux. Cette dernière résolution devait s'accomplir : car les immortels avaient décrété qu'Ilion périrait lorsque ses murs recèleraient un immense cheval où se cacheraient les plus illustres Argiens pour porter à leurs ennemis le carnage et la mort. — Démodocus chante ensuite comment les fils des Achéens, étant