Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/279

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coulent d'abondantes fontaines qui ne tarissent jamais. Sache donc enfin, noble étranger, que le nom d'Ithaque est parvenu jusque dans la ville de Troie, qu'on dit être fort éloignée de l'Achaïe. »

À ces mots le divin Ulysse goûte une douce joie ; car il vient d'entendre parler de sa patrie. Il s'empresse de répondre à la déesse, mais sans lui dire la vérité ; le héros compose quelque discours en conservant toujours dans sa poitrine un esprit fertile en ruses.

« J'ai souvent, dit-il, entendu parler d'Ithaque dans la vaste Crète située au delà des mers. J'arrive maintenant avec toutes ces richesses, et j'en ai laissé encore autant à mes enfants chéris. Je fuis après avoir tué le fils bien-aimé d'Idoménée, le léger Orsiloque, qui, dans la vaste Crète, l'emportait sur tous les autres Crétois par la rapidité de sa course. Je tuai ce héros parce qu'il voulut me ravir les dépouilles troyennes pour lesquelles je souffris en affrontant les combats des guerriers et la fureur des flots. Je ne voulus jamais servir sous les ordres de son père dans les plaines de Troie ; car je commandais moi-même à d'autres guerriers. Je me mis en embuscade avec un de mes compagnons, et je frappai Orsiloque de ma lance garnie d'airain lorsque ce héros revenait des champs : une nuit sombre régnait dans les cieux, et aucun mortel ne m'aperçut quand je le privai de la vie. Après l'avoir tué je montai dans un navire phénicien, je donnai aux nautonniers qui s'y trouvaient une riche rançon ; je les priai de me conduire et de me déposer à Pylos ou dans la divine Élide gouvernée par les Épéens. La violence des vents nous jeta sur ces bords malgré les efforts des rameurs ; car les Phéniciens ne cherchaient point à me tromper, Nous errâmes longtemps sur les côtes de la mer ; enfin nous arrivâmes sur cette plage pendant la nuit. Nous entrâmes avec peine dans le port ; et quoique tourmenté par la faim, nous ne songeâmes point à préparer notre repas : nous nous couchâmes tous en sortant de notre vaisseau. Alors un doux sommeil s'empara de mes membres fatigués. Les Phéniciens sortirent mes richesses du creux navire et les déposèrent sur le sable où j'étais couché ; ensuite ils se rembarquèrent et firent