Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/37

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Eurymaque, fils de Polybe, rompt tout à coup le silence par ces paroles :

« Télémaque, les destinées reposent sur les genoux des dieux, et nous ignorons quel est celui d'entre les Achéens qui régnera dans Ithaque. Quant à toi, garde tes biens et gouverne dans ton palais. Il n'est pas un seul homme qui, malgré toi et par violence, veuille te dépouiller de tes richesses tant qu' Ithaque aura des habitants. Mais, parle, toi, le meilleur de tous ; car je veux te questionner sur l'étranger que tu viens de recevoir. D'où vient cet homme ? De quel pays s'honore-t-il d'avoir reçu le jour ? Quels sont ses parents, sa patrie ? T'annonce-t-il le retour de ton père ou arrive-t-il en ces lieux pour réclamer le paiement d'une dette ancienne ? Comme il s'est subitement échappé sans attendre que nous l'ayons reconnu ! Ses traits n'annoncent cependant pas un homme méprisable. »


Télémaque lui répond en disant :

« Eurymaque, il ne m'est plus possible de compter sur le retour de mon père, et même si quelqu'un venait m'en apporter la nouvelle, je n'y croirais point. Maintenant, je n'attache aucune valeur aux prédictions que recueille ma mère en appelant des devins dans ce palais. Cet étranger est un hôte paternel qui réside à Taphos ; il s'honore d'être Mentes, fils du sage Anchiale, et il règne sur les Taphiens, peuples qui, sans cesse, parcourent les mers. »


Ainsi parle Télémaque, quoique dans son esprit il ait reconnu l'immortelle déesse. Les prétendants continuent à goûter les délices du chant et de la danse jusqu'à l'arrivée des ténèbres : la nuit sombre les surprend qu'ils sont encore à se réjouir. Alors chacun d'eux se dirige dans son palais pour se livrer au sommeil. Télémaque se retire aussi vers ses appartements construits dans une cour magnifique, et qui dominent de toutes parts sur une plaine immense. C'est là qu'absorbé par une foule de projets, il va chercher le repos. Auprès de Télémaque une vertueuse femme porte des flambeaux éclatants : c'est Euryclée, fille d'Ops, descendant de Pisenor. Jadis, lorsqu'elle était au printemps de son âge, Laërte l'acheta et donna vingt taureaux pour l'obtenir ; mais il l'honora toujours dans son palais comme une chaste femme,