Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/47

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pensées et d'heureux stratagèmes, tels que nos ancêtres les Achéens à la belle chevelure ne rapportèrent jamais rien de semblable, même en citant les femmes qui vécurent autrefois : Alcmène, Tyro et Mycène au front ceint d'une superbe couronne [1] ; car aucune d'elles ne se servit de ruses égales à celles de Pénélope ; si, dis-je, elle persiste, ce qui n'est ni permis, ni convenable, nous dévorerons ton héritage et tes biens, tant qu'elle conservera la pensée que les dieux ont mise en son âme. Elle obtiendra sans doute une grande gloire ; mais toi, tu regretteras tes richesses. Nous ne retournerons ni à nos champs ni dans nos demeures qu'elle n'ait épousé celui d'entre les Achéens qu'elle aura choisi. »


Le prudent Télémaque lui répond aussitôt :

« Antinoüs, non, jamais contre son gré, je n'éloignerai de ce palais celle qui me donna le jour et me nourrit. Mon père est mort sur une terre étrangère, ou il existe encore ; mais, quoi qu'il en soit, éprouverais-je un grand dommage pour m'acquitter envers Icare, si je renvoyais ma mère [2]: Ulysse ne manquerait

  1. Nous nous sommes rapproché le plus qu'il nous a été possible du texte grec dans la traduction de cette longue digression qui a été supprimée par Knight. Nous avons laisse subsister les mots εὐπλοκαμῖδες Ἀχαιοί (Achéens à la belle chevelure, ou aux cheveux bien bouclés), et l'épithète εὐστέφανος (ceint d'une belle couronne), dont madame Dacier, Bitaubé et Dugas-Montbel ne parlent point.
  2. Κακὸν δὲ μεπόλλ’ ἀποτίνειν Ἰκαρίῳ, dit Homère. Les traducteurs latins ont très exactement rendu ce passage par: durum vero me multa reddere Icario. - Eustathe nous apprend à ce sujet que d'anciens critiques, trouvant qu'il était indigne de Télémaque de ne vouloir renvoyer sa mère que parce qu'il serait obligé de rendre sa dot, ponctuaient différemment les vers 131 et 132 de ce livre, et lisaient ainsi :
    … κακὸν δὲ μεπόλλ’ ἀποτίνειν,
    Ἰκαρίῳ αἴκ’ αὐτός ἑκὼν ἀπὸ μητέρα πέμψω.
    « Il me serait funeste, et les dieux me puniraient si je voulais renvoyer ma mère à son père Icare. » Dugas-Montbel, qui cite Eustathe, dit qu'aucune edition n'adopte cette ponctuation que tous placent la virgule après Ἰκαρίῳ, et non après ἀποτίνειν, et que l'autre leçon appartenait sans doute à quelques grammairiens d'Alexandrie, qui avaient l'habitude de juger les mœurs heroiques d'après celles de leur siècle.