Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/70

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Un dieu, quand il le veut, sauve aisément un héros tel éloigné qu'il soit. Cependant j'aimerais mieux, après avoir souffert mille douleurs, rentrer dans ma patrie et voir enfin le jour du retour, que de trouver la mort dans mes foyers, comme Agamemnon, qui périt par la perfidie d'Égisthe et par celle de son épouse. La mort, égale pour tous, est de tous les maux celui dont les dieux ne peuvent sauver un mortel qu'ils chérissent lorsqu'une fois la fatale destinée l'a précipité dans le sommeil éternel. »

Le prudent Télémaque réplique à ces paroles :


« Ô Mentor, cessons un tel entretien. Malgré notre affliction[1], il n'est plus de retour pour mon père ; car déjà les immortels ont résolu sa mort et l'ont abandonné à sa noire destinée. Maintenant je veux m'informer des autres héros et interroger Nestor, lui qui l'emporte sur tous par sa justice et par sa prudence ; lui qui, dit-on, a régné sur trois âges d'homme[2], et qui par son aspect me paraît être un dieu. Ô Nestor, fils de Nélée, dites-moi la vérité ; dites-moi comment a succombé le fils d'Atrée, Agamemnon, qui domine au loin les peuples[3]? Dites-moi où Ménélas était alors, et comment cette mort a été tramée par le perfide

  1. ) Nous avons changé les premiers la ponctuation du vers 240 du texte grec en plaçant le point après λεγώμεθα et non après περ, comme cela se trouve dans toutes les éditions, même dans celle de Dubner, parce que nous pensons que κηδόμενοί περ se rapporte non pas à la phrase précédente, mais à celle qui suit. Ainsi nous traduisons : « O Mentor ! cessons un tel entretien. Malgré notre affliction, il n'est plus de retour pour mon père ; » et non pas : « Mentor, malgré notre affliction, cessons un tel entretien ; » car alors ou ignore pourquoi Télémaque, étant affligé, veut qu'on cesse l'entretien ; tandis qu'avec la correction, les deux phrases sont claires et compréhensibles. Voss, dans sa traduction allemande de l’Odyssée, a, selon nous, adopté à tort l'ancienne ponctuation.
  2. ) Homère dit : τρὶς γένε᾽ ἀνδρῶν (vers 245) (trois âges d'homme), et non pas trois générations, comme l'ont faussement traduit madame Dacier, Bitaubé et Dugas-Montbel. Suivant les anciens, chaque âge était de trente ans ; ainsi Nestor devait donc avoir régné plus de quatre-vingt-dix ans. Voss a traduit parfaitement ce passage par drei Menschenalter (trois âges d'homme).
  3. ) Ἀτρεΐδης εὐρὺ κρείων Ἀγαμέμνων (vers 248) Madame Daeier dit : le roi Agamemnon ; Bitaubé : Agamemnon, et Dugas-Montbel : le puissant Agamemnon. Voss n'a pas été exact cette fois en traduisant ce passage par der grosse Held (le grand héros).