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QUINZIEME ANNEE – N° 5391


Journal Républicain Quotidien

de la Bretagne et de l’Ouest


ADMINISTRATION & RÉDACTION

38, Rue du Pré-Botté, RENNES

L’Ouest-Eclair

LUNDI 29 SEPTEMBRE 1913


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DIRECTEUR POLITIQUE

Emmanuel DESGRÉES DU LOU


ADRESSER TOUTE LA CORRESPONDANCE ET ABONNEMENTS à M. L’ADMINISTRATEUR

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La Quinzaine Scientifique

LA MACHINE A VAPEUR

VIEUX SOUVENIRS ET DERNIERS PERFECTIONNEMENTS

De plus en plus le moteur électrique et le moteur à explosion menacent la machine à vapeur dans ses derniers retranchements. On vient d’inaugurer les premières locomotives à combustion interne. D’autres part la propreté des appareils, leur peu d’encombrements, leur facilité d’arrêt et de mise en marche assurent à l’électricité des avantages chaque jour plus appréciés. Voici trente ans du reste qu’un éminent ingénieur, Sir F. Bramwell, annonçait la disparition prochaine de la machine à vapeur. Encore un demi-siècle disait-il, et cette vénérable aïeule ne se trouvera plus qu’à titre de curiosité dans nos musées. Sir Bramwell exagérait et le progrès n’a pas marché aussi vite que ses prévisions. L’issue de la lutte n’en est pas moins certaine. Plus jeune, plus souple, susceptible encore de nombreux perfectionnement, le moteur à explosion doit nécessairement remporter la victoire. L’électricité seule pourra parfois lui résister avec succès.

Pour être déjà lointaines, les origines de la machine à vapeur ne se perdent pourtant point dans la nuit des temps. C’est en 1735 que Savery établissant sa première «  pompe à feu ». Dans une journée la machine pouvait élever 12 mètres cubes d’eau à 17 m. 50 de hauteur. Un petit moteur de 2 chevaux ferait aujourd’hui le même travail en une demi-heure. A part le principe, la pompe Savery n’a du reste rien de commun avec nos machines modernes. Le mécanicien doit lui-même ouvrir et fermer les soupapes en temps voulu. Plus tard on trouva commode de confier ce soin à une roue hydraulique mise en marche par l’eau que débitait la pompe. La roue ne fonctionna pas toujours bien. Un enfant chargé de la remplacer imagine de relier directement les soupapes au piston de la machine. Le désir d’éviter un travail fastidieux venait de faire découvrir la meilleure des solutions.

Du reste la machine Savery ne demeura pas longtemps isolée. On eut successivement la machine Russel, la machine Newcomen, la machine Poulsonow. Ce dernier imagina de condenser plus rapidement la vapeur en envoyant un jet d’eau froide à l’intérieur du cylindre. Newcomen avait déjà adopté cette façon de faire. Il se contentait tout d’abord de plonger les cylindres de sa machine dans un courant d’eau froide. Un jour ils se trouvèrent percés et la condensation se fit beaucoup mieux. Dès lors Newcomen adopta la condensation par injection d’eau froide. Ces machines, très imparfaites, pouvaient déjà rendre de réels services. Sans doute elles dépensaient près de 14 kilogrammes de charbon au cheval heure. Mais si on met le charbon à 15 francs la tonne, le prix du cheval ressort à 22 centimes et demie. Les dix ouvriers nécessaires pour remplacer la machine ne se contenteraient pas d’un pareil salaire.

La première pompe à feu est de 1735, le premier bateau à vapeur n’apparaît qu’en 1807. C’est le Clermont, de Fulton. Cinq ans plus tard l’Europe possède enfin la Comète. En 1817 c’est à peine si on compte une quarantaine de bateaux à vapeur aussi bien en Europe qu’en Amérique. Aussi bien les premiers progrès furent-ils très lents. Il faut attendre 1865 pour que l’introduction du condenseur à surface et des hautes pressions révolutionne l’art de la navigation.

Le rôle du condenseur se trouvait pourtant défini depuis longtemps. Nous avons raconté les expériences de Newcomen. Savery en réalisa de tout aussi curieuses. Un jour qu’il avait jeté au feu un flacon de vin presque vide, celui-ci se remplit de vapeur. Savery l’ayant retiré plongea le goulet dans l’eau froide. Presqu’aussitôt cette eau se précipitait à l’intérieur du flacon pour remplir le vide qu’avait laissé la condensation de la vapeur. Le premier condenseur à surface fut construit par Samuel Hall en 18*5. Après avoir travaillé dans le cylindre la vapeur se trouvait évacuée dans une série de tubes refroidis par une circulation d’eau. Ces tubes offraient une très large surface de contact avec l’eau et le refroidissement se produisait d’une façon rapide. Au retour le piston n’éprouvait donc qu’une faible résistance pour expulser la vapeur et le rendement de la machine se trouvait augmenté d’autant. Un peu plus tard on augmenta encore l’efficacité du condenseur. La vapeur fut évacué dans une cavité presque entièrement remplie de où passait une circulation d’eau froide.

Des détails en apparence insignifiants retardèrent de trente ans l’application du condenseur à surface. La mode était alors aux machines à basse pression. Il en résultait une grande consommation de vapeur. Un condenseur efficace eut été trop encombrant. Dans les chaudières marines on essaya les hautes pressions, mais il fallut bien vite y renoncer. Le caoutchouc n’était pas connu et l’on ne savait pas faire de joints étanches. Des chaudières utilisaient l’eau de mer et les hautes pressions déterminaient la précipitation de sulfate de chaux, ce sulfate obstruait des tubes et produisait de très dangereuses incrustations. Vers 1865 on s’aviva d’utiliser des joints en caoutchouc. Les hautes pressions nécessitant une plus petite quantité de vapeur on pouvait alimenter les chaudières à l’eau douce. Cette eau se retrouvait du reste dans le condenseur dont l’utilité se trouvait ainsi doublée. Samuel Hall mourut dans la misère à 83 ans. Les idées dont toute sa vie il s’était fait le propagateur aident triomphaient alors magnifiquement. Son grand tort avait été d’avoir vécu trop tôt.

D’autres furent plus heureux. Seguin créa sa chaudière tubulaire au moment où l’apparition des premières locomotives permettait de l’utiliser. Avant lui aucune machine ne pouvait produire plus de 300 kilos de vapeur dans une heure. Seguin en produisit 1.200 avec une chaudière de 3 mètres de longueur sur 80 centimètres de diamètre. Dès cette époque on avait essayé avec plus ou moins de succès toutes les adaptations possibles de la machine à vapeur. Pour éviter les incrustations bois, traversée seulement par une série de tuyaux métalliques où passait la flamme. Plusieurs chaudières de ce type fournirent un bon service. On eut la chaudière Albars où la chaleur se trouvait transmise à l’eau par l’intermédiaire d’un alliage en fusion. On eut en 1820 la chaudière Perkins à vaporisation instantanée.

Ce Perkins était un maître homme qui pendant sa vie ne prit pas moins de 90 brevets d’invention. Sa machine à imprimer les billets de banque fut longtemps réputée. Dans sa chaudière il chauffait d’abord l’eau sous cinquante kilos de pression. Au moment voulu un jet de cette eau pénétrait dans le cylindre où elle se vaporisait instantanément. Perkins perfectionna bientôt son système en y adjoignant la surchauffe. Aussitôt produite la vapeur traversait une série de tubes chauffées au rouge. Son volume augmentait considérablement, et il devenait possible de développer des puissances colossales avec un poids minime de vapeur. En 1827, l’inventeur pensa utiliser son invention pour les armes à feu. Un jet de vapeur surchauffé aurait remplacé la poudre pour lancer en avant le boulet ou la balle. A ce moment l’idée fort acceptable et le gouvernement français acheta 100,000 francs la propriété du brevet. Perkins était un pacifiste, et son but le plus cher était de rendre la guerre impossible.

On le voit, presque toutes les innovations aujourd’hui tentées pour le perfectionnement de la machine à vapeur furent déjà essayées dans le passé. Chaudières tubulaires, chaudières à vaporisation instantanée, surchauffe et détente compo**d trouvèrent des partisans. Plus habiles que nos devanciers nous espérions avoir enfin résolus les difficultés de détail qui rendent si souvent illusoires les plus belles théories. Hélas, les progrès du moteur à explosion menacent déjà de rendre inutile ce que coûta tant d’efforts

j. colin


M. Barthou en Espagne

Saint-Sébastien, 29 septembre. — Après une nuit orageuse, qui n’a pas empêché cependant une population enthousiaste d’aller attendre M. Barthou à la gare, nous avons aujourd’hui une journée douce et ensoleillée.

Ce matin, MM. Barthou et Bérard se sont rendus au consulat de France, où ils ont été reçus par M. Geoffray, ambassadeur de France à Madrid, assisté de M. Boulet, consul de France à Saint-Sébastien.

A LA COLONIE FRANÇAISE

A dix heures, le président du conseil a reçu le personnel du consulat, qui lui a été présenté par le consul général. M. Boulet a rappelé qu’en apprenant le vote de la loi militaire, les conscrits de Saint-Sébastien avaient envoyé un télégramme de félicitations au président du conseil. M. Barthou a répondu par une allocution toute vibrante d’amitié pour l’Espagne. S’adressant aux Français présents, il s’est exprimé en ces termes :

« Le consul de France nous a dit que vous étiez des Français qui, dans un pays dont on a eu raison de vanter la générosité et l’hospitalité, n’oubliez pas la mère-patrie. Vous recevez l’hospitalité des Espagnols. Je puis dire, étant donné notre communauté d’origine et de race, étant donné la cordialité des relations qui nous unissent à ce beau et grand pays, que le voisinage devient ici une sorte de fraternité prolongée. (Vifs applaudissements.) Vous entretenez avec les Espagnols des relations cordiales, vous déployez une grande activité, vous êtes en même temps, le consul l’a dit, des républicains. — vous pensez bien que, chef du gouvernement de la République, je ne puis qu’être heureux d’avoir entendu le consul de France dire quels sont vos sentiments politiques. — Mais aujourd’hui, à Saint-Sébastien, je tiens surtout à représenter la France ; je veux me rappeler ce matin que j’ai devant moi des Français et que, même s’ils s’en rencontrait parmi eux qui ne fussent pas d’accord avec le gouvernement que je représente, soit sur des principes, soit sur des doctrines, soit sur des conceptions particulières de politique générale, je ne leur ferais pas moins un très cordial et très confiant accueil, car je sais qu’ils apporteraient ici des sentiments qui doivent nous unir, c’est-à-dire des sentiments français. »

Le comte de Romagones, président du conseil des ministres, a télégraphié à M. Barthou pour le prier d’accepter ses meilleurs saluts à l’occasion de son arrivée en Espagne, ajoutant qu’il était désolé de n’avoir pu se trouver aujourd’hui à Saint-Sébastien.

DISCOURS

Puis M. Barthou, avec MM. Bérard et Geoffray, se rend à pied du consulat au bâtiment des écoles. Les habitants, groupés au bout du pont, applaudissent. On lit sur la pelouse, inscrite en fleurs rouges, l’inscription de : « Vive la France ! »

Le président du conseil est reçu par le lieutenant général commandant la région, le gouverneur civil de la province, l’alcade et toute la municipalité. La musique municipale prête son concours et joue la Marseillaise. Le temps est redevenu beau.

MM. Barthou et Bérard visitent le bâtiment des écoles, sous la conduite du directeur, M. Miguras. Les élèves chantent la Marseillaise et l’Hymne national Espagnol. Les autorités espagnoles et françaises prennent place sur l’estrade d’honneur.

M. Gem*n, président de la Société de bienfaisance et d’enseignement de Saint-Sébastien, prononce une allocution dans laquelle il exprime à M. Barthou toute sa reconnaissance pour avoir accepté de présider cette cérémonie. Il a ajouté que la plaque qui perpétuera cette solennité portera qu’elle eut lieu sous les auspices de M. Barthou, président du conseil des ministres, le ministre de l’Instruction publique qui dernièrement, par son esprit de décision, ses hautes capacités, son énergie doublée par le caractère sacré de la cause qu’il défendait — celle de l’existence avant tout de son pays — a fait la France forte et a assuré sa sécurité. »

Le président du conseil a décerné les décorations suivantes : il remet en particulier les insignes de commandeur de la Légion d’honneur à M. Tabuyo, alcade de Saint-Sébastien.

LE BANQUET

Au banquet offert au président par la Société française de bienfaisance et d’enseignement, M. Gem*n, président a porté le toast suivant :

« Messieurs, en levant mon verre à la santé de M. Barthou, permettez-moi de demander que cette solennité soit l’heureux présage du prochain sacrement de mains de Sa Majesté Alphonse XIII, le très vaillant roi, si vénéré et si aimé des Français, et de M. Poincaré. Il en naîtra pour toujours l’union étroite et inébranlable des deux nations sœurs et amies et pour dire « l’entente cordiale ». « Messieurs, vive la France ! Vive l’Espagne ! »

CHEZ LE ROI

A 3 heures et demie, M. Louis Barthou s’est rendu au palais de Miramar, où il a été reçu par le roi Alphonse XIII, qui avait retardé dans ce but son départ de Saint-Sébastien. Le jeune souverain s’est montré particulièrement aimable avec le président du conseil ; il lui a exprimé le plaisir que lui causera la prochaine visite de M. Poincaré en Espagne.

M. Barthou a quitté ensuite Saint-Sébastien en automobile pour se rendre à Hendaye, où il doit prendre le train à 5 heures et demie, afin d’être à Pau demain matin pour prendre part aux séances du Conseil général des Basses-Pyrénées.

A cette occasion, le président du conseil prononcera un discours sur la politique intérieure et extérieure de la France.

Le voyage de M. Poincaré en Espagne

Madrid, 26 septembre. — Le barreau de Madrid a décidé de remettre à M. Poincaré, à l’occasion de son voyage à Madrid, une adresse de sympathie dont voici le texte :

« L’illustre barreau de Madrid témoigne au grand avocat français, M. Raymond Poincaré, la satisfaction qu’il éprouve en voyant sur le sol espagnol celui qui, en honorant la robe, a mérité d’atteindre à la plus haute magistrature de sa patrie, élevant ainsi son noble ministère professionnel. »

En raison du voyage du président de la République, les familles appartenant à l’aristocratie qui se trouvent en villégiature rentrent à Madrid.


Quand on fera de l’or avec du plomb.... ???


Il n’y aura pas grand’chose de changé

La pierre philosophale, que cherchèrent vainement les alchimistes, serait-elle enfin trouvée ? Le rêve d’hier deviendrait-il une réalité ?

On sait que certains corps possèdent la singulière propriété d’émettre dans l’obscurité des rayons capables d’impressionner les plaques photographiques.

Ce phénomène, connu sous le nom de radioactivité, a été découvert par un grand savant français, M. Henri Becquerel.

Or, Mme Curie l’a récemment démontré, le radium, par exemple, produit en même temps que ce rayonnement caractéristique, une vapeur, un gaz, ou mieux une buée qui, rapidement détruite, laisse en ses lieu et place de l’hélium, c’est-à-dire un métal absolument différent de celui qui a servi de point de départ. Ce phénomène de transmutation a plongé naguère tous les savants du monde entier dans la stupeur.

Aujourd’hui, voici que le professeur Soddy affirme de façon péremptoire que l’on parviendra sans aucun doute à fabriquer de l’or en se servant de thallium, de mercure, voire du vulgaire plomb.

— Malheureusement, ajoute-t-il, il serait nécessaire de disposer d’une énergie, ou mieux d’un potentiel de un million de volts, et nos savants modernes ne peuvent travailler au delà de 100,000 volts. Néanmoins, le problème sera résolu avant longtemps.

L’affirmation si catégorique du professeur Soddy nous laissait entrevoir un abîme désastreux. Que se produirait-il, en effet, si l’or se répandait à flots, demain, sur le marché ?

Pour le savoir, nous avons voulu consulter quelques personnalités du monde financer, particulièrement bien placées pour nous répondre.

« Réfléchissez, nous a dit l’une d’elles. Qu’est-ce que l’or ? Rien, moins que rien ! Qu’il disparaisse ou afflue demain, aucun désastre n’en résultera pour cela.

« Songez que les opérations financières sont surtout basées sur les valeurs mobilières, sur les moyens de crédit.

« Il y a à l’heure actuelle ma vertigineuse somme de 850 milliards de papiers négociables dans le monde, papiers qui s’appellent rentes sur l’État, actions et obligations de compagnies, ou de sociétés, ou de mines, etc.

« En regard de ces 850 milliards de titres négociables, sachez que depuis que le monde existe jusqu’à la fin de 1912, l’or et l’argent extraits de la terre dépassent à peine 159 milliards, et que tous les billets de banque, fin 1912, s’élevaient à peine à 41 milliards et demi.

« Ce sont donc les moyens de crédit qui ont suppûté à l’insuffisance de la monnaie.

« Tous ces papiers, toutes ces valeurs subsisteront donc quand bien même l’or disparaitrait, car ils reposent sur un sentiment très élevé qui ne s’achète pas, quelque prix que l’on voudrait y mettre, car il se donne volontairement et disparait avec la même rapidité quand un doute s’élève ; ce sentiment s’appelle la confiance. »

Comme on le voit, M. Alfred Neymarck est optimiste, et avec des arguments.



LE CONGRÈS DE CHAMBÉRY se clôt par une mise en demeure AU GOUVERNEMENT

Aix-les-Bains, 26 septembre. — M. de Monzie, qu’accompagnaient M. Rémy, chef de son secrétariat et Orgias, chef du secrétariat de M. Ch. Dumont, est arrivé à Chambéry à 7 h. 16, par le train venant de Paris. Après s’être reposé à la Préfecture, il a, en compagnie de MM. G****er, préfet et Reinach, député, pris la direction d’Aix en automobile.

A 9 h. 1/4, il a été reçu sur le perron du Grand Cercle d’Aix par M. Marty, maire, et le bureau de la Ligue.

La séance solennelle de clôture commence aussitôt. L’assistance est assez clairsemée. M. de Monzie donne la parole à M. Constant-Veriot pour la lecture du rapport général.

DES ACTES

Après avoir rendu hommage à la terre de Savoie, si accueillante pour les pionniers de l’école laïque, M. Constant-Veriot, député des Vosges, déclare :

« L’œuvre scolaire de la République est attaquée avec audace et perfidie par des adversaires qui ne désarment pas et j’ajoute : qui ne désarmeront jamais. Or, « la République et l’école laïque sont inséparables », a dut avec force M. le Président du Conseil, « qui attaque l’une menace l’autre, qui défend l’une sert à l’autre ». Nous avons applaudi cette formule empreinte du souffle républicain le plus pur, mais l’ère des discours sur l’école laïque semble être close, le pays tout entier est saturé de belles paroles devant l’insolence audacieuse des réactionnaires, il réclame des actes et il demande impérieusement au gouvernement et à la majorité républicaine d’agir vite et bien. Tout retard, tout atermoiement serait considéré aujourd’hui non pas comme une faiblesse, mais comme une trahison, tel est le sentiment unanime et profond qui se dégage de ce Congrès. »

DISCOURS DE M. DE MONZIE

M. de Monzie félicite la Ligue de son œuvre et reconnait que l’école laïque se trouve en face de périls qu’on ne saurait qualifier d’imaginaires : « Le péril scolaire, dit-il, n’est pas imaginaire, il est permanent et divers. Mais l’école n’a pas que des adversaires de parti-pris, elle a aussi à lutter contre l’indolence et le scepticisme et il importe d’abord de relever le niveau moral de l’instituteur. »

Parlant des promesses faites par M. Barthou, il dit qu’à son appel la concentration des nuances républicaines s’est opérée au bénéfice de l’école laïque ; demain, par cet accord, la fréquentation sera assurée.

M. Dessoye annonce ensuite que la grande médaille de la Ligue est attribuée à la Marquise Arconati Visconti, la bienfaitrice des patronages démocratiques. Le Congrès est déclaré clos.

A midi, un banquet de 500 couverts a eu lieu sous la véranda de la villa des Fleurs.


Manifestations patriotiques

A LA STATUE DE STRASBOURG

paris, 28 septembre. — Les anciens défenseurs de Strasbourg, auxquels s’étaient joints de nombreux représentants de Sociétés militaires, se sont rendus ce matin à 9 heures, place de la Concorde, déposer une couronne sur la statue de la ville arrachée à la mère-patrie pendant la guerre franco-allemande.

Le rassemblement s’est effectué devant la colonne Vendôme, puis le cortège s’est mis en marche accompagné d’une foule considérable. En tête, derrière le drapeau de la Fédération des anciens militaires, venait une couronne, hommage de la Société, escortée d’une Alsacienne avec ses deux filles costumées en Lorraine. Après que la couronne fut hissée sur le socle de la statue, les manifestants formèrent le cercle. M. le docteur Moritz parla alors du siège de Strasbourg et termina son allocution au cri de : « Vive la France ! Vive l’Alsace-Lorraine ! ».

La colonne reprit sa marche, traversa le Jardin des Tuileries, pour s’arrêter devant le monument de Gambetta.

AU LION DE BELFORT

paris, 28 septembre. — La Ligue des Patriotes a procédé cet après-midi à 3 heures à son annuelle manifestation au monument au Lion de Belfort, au pied duquel une couronne a été déposée. M. Maroet Habert a pris la parole. A l’issue de la cérémonie, une réunion a eu lieu, 134, avenue d’Orléans, et ce soir, un banquet présidé par M. Poirier de Narçay réunit les patriotes au palais d’Orléans, avenue du Maine.


Grave accident en Alsace

quatre morts, trois blessés

Bollwiller, 28 septembre. — Un grave accident s’est produit hier dans une mine de sel de potasse, près de Bollwiller. Trois dents d’une roue s’étant rompues dans un monte-charge à crémaillère, la caisse, contenant 200 kilos de sel a été précipitée au fond du puits, où se trouvaient dix ouvriers. Quatre d’entre eux ont été tués net ; trois ont été grièvement blessés. Les trois autres, qui avaient pu se garer, sont indemnes.


CHOSES ET GENS

En voyage

Le train partit.

Je tirai une cigarette de mon étui et la vieille dame que j’avais en face de moi de son sommeil, un sommeil qui me paraissait profond, je dois vous le dire.

— Pardon, madame, lui dis-je, la fumée ne vous gêne pas ?

Car j’ai toujours remarqué que les femmes répondent non à cette question et c’est pour cela que je la pose sous la forme négative.

— Je vous demande pardon, me répondit la voyageuse, mais elle me gêne.

Je rentrai ma cigarette. J’étais furieux. Je me dis que les Compagnies devraient bien organiser des compartiments pour hommes seuls.

Tout à coup, par la portière ouverte, une fumée atroce se mit à entrer qui empoisonnait tout. J’étais ravi et, du fond de mon cœur, je remerciai le chauffeur et le mécanicien. Et, m’adressant à la dame :

— Si la fumée vous gêne tellement, madame, lui dis-je, vous pouvez toujours sauter par la portière.

Elle ne sauta pas. Ce qui prouve que fumée n’est insupportable à personne.

P**

LE MEETING DE REIMS GILBERT monte à plus de 6000 mètres

Reims, 28 septembre. — La deuxième journée du meeting est favorisée par un temps superbe. Depuis la première heure du matin, Reims est très animé. Les trains ont débarqué de très nombreux voyageurs, aussi la route de Bétheny est-elle sillonnée par une foule intense, une cohue invraisemblable de piétons, cyclistes et automobiles.

Les épreuves de lenteur

Malgré le vent assez vif — 9 mètres à la seconde — les pilotes prennent le départ à partir de 9 heures pour l’épreuve qualificative de lenteur, vitesse maximum, 65 kilomètres à l’heure.

Ont rempli actuellement les conditions :

N°19, Gaston Caudron (monoplan Caudron, moteur Gnome, hélice Chauvières).

N°15, Moitières (biplan Bréguet, moteur Samson, 140 h. p., hélice intégrale).

N°11, Cailleaux (biplan Goupy, moteur Anzoni, 80 h. p.).

Sont éliminés : Prévent, Garron a mis 3 secondes de trop, et Espanet.

LES BLESSÉS

Reims, 28 septembre. — L’état des aviateurs soignés actuellement à la clinique de M. le docteur Roussel est le suivant : Cavelier est toujours dans un état très grave : il n’a pas encore repris connaissance. Sa température varie entre 37° et 39°. Il a supporté le nouveau changement de pansement qu’on vient de lui faire ce matin. Lemoine et son passager, blessés hier soir, sont dans un état satisfaisant. Ils n’ont que de simples contusions à la figure et doivent sortir cet après-midi.

D’autre part, Parmelin, qui fit également une chute hier soir, n’a eu que quelques légères écorchures. Il assistait ce matin aux épreuves.

La prouesse de Gilbert

Quelques essais de hauteur ont été faits ce matin. Le plus sensationnel a été celui de Gilbert, qui a battu le record du monde pour pilote seul et qui aurait dépassé les 6000 mètres. On lui a fait un accueil enthousiaste.

Succès d’un aviateur français

Saint-Pétersbourg, 28 septembre. — On annonce que dans le concours d’aéroplanes militaires, l’aviateur français Janoir aura le premier prix.


M. Clémentel en Bretagne

Il préside à la clôture de la semaine agricole d’Auray

Auray, 28 septembre. (De notre envoyé spécial.) — La coquette ville d’Auray s’est réveillée ce matin en fête, aux accents joyeux d’un pas redoublé entraînant, joué par l’excellente musique de la colonie de Belle-Île.

Des autos, des voitures sillonnent les rues, se rendant au-devant du ministre, qui doit arriver vers 9 heures en automobile.

M. Clémentel, ministre de l’Agriculture, arrivé hier soir à Vannes, où il a été l’hôte de M. Roth, préfet du Morbihan, s’est rendu ce matin en automobile au port du Bono. Il était accompagné de MM. Roth, préfet, Le Rouzie, député de la circonscription, etc.

Les marins-pêcheurs et les agriculteurs du Bono ont fait au ministre une chaleureuse réception. Dans le port, tous les bateaux de pêche avaient arboré le grand pavois.

M. Clémentel est reçu par M. Sommer, maire du Bono, entouré de tout son conseil municipal, qui lui souhaite la bienvenue, puis M. Le Rouzie présente les délégations des pêcheurs et des cultivateurs et soumet au ministre leurs désidérata. La réfection et l’agrandissement du port ont été décidés, mais les formalités traînent et M. Lebureau menace d’empêcher la réalisation de ces travaux tant attendis par la population besogneuse des pêcheurs.

M. Clémentel félicite la municipalité républicaine de son succès aux dernières élections, puis donne la promesse aux pêcheurs d’intervenir auprès de son collègue des Travaux publics pour leur faire donner satisfaction.

L’ARRIVEE A AURAY

A 9 heures, l’automobile ministérielle arrive à la gare où se trouve massée une foule nombreuse. La musique de la colonie joue la Marseillaise.

M. Le Mouroux, maire d’Auray, entouré de son conseil municipal, souhaite la bienvenue au ministre. Toutes les notabilités républicaines du département sont réunies autour du Conseil municipal d’Auray.

Des fleurs sont offertes à M. Clémentel par deux petits Bretons.

AU « COTTAGE BRETON »

Aussitôt après a lieu la cérémonie de la pose de la première pierre du « Cottage breton ». M. Le Rouzie, député, au nom du conseil d’administration du « Cottage breton », salue le ministre à son entrée sur le petit domaine de la Société d’habitations à bon marché.

« Quelle joie, dit-il, quel bien-être, quelles aspirations saines et réconfortantes les pauvres travailleurs qui vivent dans des taudis sans air, ni lumière, ni hygiène, dans des logements délabrés, incommodes et insuffisants, pourraient-ils connaître. L’individu, ainsi ravalé, humilié, n’a plus cette dignité, cet attachement au sol, à la famille, à la maison, cette conscience fière qui caractérise l’homme et le citoyen.

« C’est donc relever le niveau moral de l’individu que de lui procurer le moyen de vivre dans des maisons plus saines, plus confortables, moins tristes, moins étroites et moins basses. »

M. Clémentel répond que le gouvernement qu’il a l’honneur de représenter, tout en poursuivant l’œuvre nécessaire de défense nationale, a toujours le souci de protéger les travailleurs. Il vient de le prouver encore par le vote de deux lois sociales, qui pourront paraître lourdes, mais qui rendront des services inestimables.

« Tout ce qui intéresse le monde des ouvriers, ajoute-t-il, nous intéresse et c’est pourquoi je suis si heureux de présider aujourd’hui à cette cérémonie. Il n’y a pas d’œuvre meilleure que de donner au travailleur un logis sain, coquet. Le cabaret n’existe alors plus pour lui et quand le jeune homme va au régiment, il est heureux de revenir ensuite dans sa petite patrie au lieu d’émigrer dans la grande ville. La ménagère est fière de son intérieur et le château ne vaut pas la coquette chaumière, où l’on s’aime et où l’on est heureux. C’est là que l’avenir se prépare, un avenir meilleur, idéalement beau. »

Le ministre scelle ensuite la pierre. La cérémonie est finie.

LES RECEPTIONS OFFICIELLES

Le cortège se forme: En tête vient la musique de la colonie de Belle-Île, puis les « officiels » suivis de binious et de bombardes, de paysans et paysannes bretonnes aux riches costumes brodés d’or et d’argent. Une foule nombreuse suit.

Aux soins de marches entraînantes le cortège arrive à la mairie où les réceptions officielles ont lieu dans la salle des fêtes.

M. Le Mouroux, maire d’Auray, dit toute la joie qu’il a de recevoir le ministre de l’Agriculture.

M. Clémentel remercie de l’accueil charmant qui lui a été fait à Auray. Il connait les désidérata de la municipalité et il l’aidera de tout son pouvoir à les réaliser.

Puis les réceptions officielles commencent. M. Nail, député, présente le bureau du Conseil général qu’il préside. M. Brard, député de Pontivy, présente les membres du crédit agricole et les militants du parti républicain : les bleus de Bretagne et le comité républicain du Commerce, de l’Industrie et de l’Agriculture qu’il préside.

Puis c’est le défilé des fonctionnaires.

M. Clémentel a un mot aimable pour chacun.

Quand le commandant d’armes lui présente les officiers de la garnison. M. Clémentel leur dit que ce n’est plus le ministre qui leur parle, mais le rapporteur du budget de la guerre pendant cinq ans. « Vous êtes des éducateurs, dit-il, mais surtout des chefs. Le gouvernement connaît les efforts que vous devez accomplir avec la loi militaire nouvelle. Il sait que vous serez à la hauteur de votre tâche et je suis heureux de vous dire qu’il a décidé de mettre en tête de son ordre du jour le relèvement de la solde des officiers. Ce sera le juste réconfort de vos efforts et le meilleur moyen de vous montrer que la République sait reconnaître ce que vous faites pour elle. »

POSE DE LA PREMIERE PIERRE DU NOUVEAU GROUPE SCOLAIRE

Les réceptions terminées, le cortège se reforme et se dirige vers l’endroit où le nouveau groupe scolaire doit être construit.

M. Le Mouroux, maire d’Auray, dit que le Conseil municipal n’a pas hésité à faire les sacrifices nécessaires pour donner à sa commune une école de filles et une école maternelle, répondant aux besoins actuels.

M. Dontzer, inspecteur d’académie, prononce un discours sur l’école laïque. Au nom du corps enseignant primaire, il remercie le ministre du gage de sollicitude qu’il lui donne aujourd’hui au nom du gouvernement de la République. Il dit qu’il faut aussi faire la chasse à l’illettré en obligeant, par des mesures de répression, les parents à envoyer leurs enfants à l’école.

Il faut enfin garantir l’instituteur contre les attaques malveillantes qu’ils ont à er.

Dans un langage énergique, le ministre répond et trace la mission délicate de l’instituteur et de l’institutrice en Bretagne.

« Ce sont des palais scolaires comme celui qui va être construit à Auray qui seront le meilleur ferment. C’est dans ces écoles qu'on apprendra aux enfants à aimer l'idéal républicain d'une France meilleure de jour en jour. C'est ce bon grain qu'il faut semer dans le cœur des femmes bretonnes. »

Le ministre évoque les femmes celtiques, sous le patronage desquelles il faut mettre l'école.

« Quand Vercingétorix, qui, comme lui, était d'Auvergne, voulut faire lever l'étendard de la révolte des Gaules contre l'oppression romaine, il fut repoussé à Soissons, et