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Anecdotes.

Elles pensèrent alors à s’en retourner ; mais malheureusement, elles s’étaient écartées de la route, et ne savaient plus de quel côté gagner pour retrouver la maison. Le soleil qui, une heure auparavant, aurait pu leur servir de guide, était maintenant obscurci par les grands arbres de la forêt, et plus le soir approchait, plus leur embarras et leur sollicitude augmentaient.

Le cœur gros de tristesse et l’esprit agité par l’inquiétude, elles errèrent parmi les arbrisseaux et les broussailles, qui leur déchiraient les mains, déplorant par les pleurs et les cris de détresse, la triste situation où elles se voyaient. Leurs vêtements étaient en lambeaux, et leurs cheveux pendaient épars sur leurs épaules. Ayant marché dans ce misérable état, presque jusqu’à la nuit noire, elles arrivèrent près d’une petite cabane : elles tressaillirent de joie en l’apercevant ; mais, hélas, elle était ville ! Elles furent pourtant bien aises de s’y réfugier pour la nuit, et de s’y mettre à l’abri du serein qui commençait à tomber. Elles ramassèrent des feuilles, dont elles se firent une espèce de lit ou elles se couchèrent. Mais, comme on peut se l’imaginer, il leur lut impossible de fermer l’œil, et elles passèrent la nuit à se reprocher à elles-mêmes leur témérité. Elles essayaient néanmoins de tems en tems à se consoler l’une l’autre, dans l’espérance que Mr. Montour enverrait des gens dans le bois pour les chercher. Elles eurent donc la prudence de rester dans la cabane, ou n’en sortirent qu’afin de cueillir des fruits pour appaiser les tourments de la faim. Sur le déclin du jour, elles entendirent dans les bois des cris de Sauvages ; mais elles n’ôsèrent pas répondre, ni sortir de la cabane, ne sachant pas si c’étaient des gens qu’on avait envoyés pour les chercher, ou un parti de Sauvages étrangers, entre les mains desquels elles n’auraient pas voulu se remettre.

Elles passèrent donc encore une nuit en proie aux pensées les plus désespérantes et à des craintes mortelles ; pourtant, ce qui paraîtra tout-à-fait singulier, l’une d’elles commença à devenir plus tranquille, se faisant en quelque sorte à sa situation, que, quelque déplorable qu’elle fut, et quelqu’incertain qu’en fût le terme, elle regardait apparemment comme une aventure romanesque ; et le matin suivant, elle resta dans la cabane, et se mit à relire son roman, d’un air fort posé, comme si de rien n’avait été. Il n’en était pas de même de l’autre : elle s’abandonna au désespoir, et s’assit sur son lit de feuilles, se lamentant et déplorant son malheureux sort. Elles furent découvertes dans cet état, vers midi, par un parti de Sauvages qu’on avait envoyés dans le bois pour les chercher, et qui étaient les mêmes dont elles avaient entendu les cris la veille. La joie qu’elles eurent de se voir délivrées d’une situation aussi alarmante, se conçoit mieux qu’elle ne peut se décrire : elle ne fut égalée que par le plaisir que leur retour causa à Mr. Montour et à sa famille, qui commençaient à les regarder comme perdues, ayant été absentes pendant près de trois jours. L’endroit