Page:La Boétie - Discours de la servitude volontaire.djvu/188

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la mémoire fort courte, et débauchée encore par le trouble que mon esprit avait à souffrir une si lourde perte, et si importante, qu’il est impossible que je n’aie oublié beaucoup de choses que je voudrais être sues. Mais celles desquelles il m’est souvenu, je vous les manderais le plus au vrai qu’il me sera possible. Car pour le représenter ainsi fièrement arrêté en sa brave démarche, pour vous faire voir ce courage invincible dans un corps attéré et assommé par les furieux efforts de la mort et de la douleur, je confesse qu’il y faudrait un beaucoup meilleur style que le mien. Par ce qu’encore que durant sa vie, quand il parlait de choses graves et importantes, il en parlait de telle sorte qu’il était malaisé de les si bien écrire, si est-ce qu’à ce coup il semblait que son esprit et sa langue s’efforçassent à l’envi, comme pour lui faire leur dernier service. Car sans doute je ne le vis jamais plein ni de tant et de si belles imaginations, ni de tant d’éloquence, comme il a été le long de cette maladie. Au reste, Monseigneur, si vous trouvez que j’aie voulu mettre en compte ses propos plus légers et ordinaires, je l’ai fait à escient. Car étant dits en ce temps là, et au plus fort d’une si grande besogne, c’est un singulier témoignage d’une âme pleine de repos, de tranquillité et d’assurance.

Comme je revenais du Palais, le lundi neu-