Page:La Brouette du vinaigrier Mercier Louis-Sébastien 1775.pdf/3

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Ne pourrait-on pas faire par raison & par sentiment ce qu’on a fait mille fois par avarice ? Mais non, pour créer des distinctions imaginaires, on détruit les liens de la plus naturelle fraternité ; l’acte le plus libre est asservi à toute la masse de nos préjugés. On fait gémir, dans la fleur de sa jeunesse, la Beauté qui se consume, appellant en vain l’Hymen tardif, que l’Orgueil tyrannique éloigne encore. On aime mieux la livrer à une mort lente, que d’ôter quelques grains à la balance qui pese scrupuleusement les fortunes, & la rougeur monte plus enflammée au front de tel pere à qui on demande sa fille, que si on lui apprenait sa honte ou son infamie.

Qu’arrive-t-il aussi de mettre à l’encan la Beauté ? Tout despotisme aigrit l’ame ; la Discorde prend la place de l’Amour, & les Furies fondent leur trône sur des sacs de mille livres.

Tout ce qui mêle les différens états de la société, & tend à rompre l’excessive inégalité des conditions, source de tous nos maux, est bon politiquement parlant. Tout ce qui rapproche les citoyens est le ciment sacré qui unit les nombreuses familles d’un vaste État, qui doit les voir d’un œil égal. La même loi qui défend aux freres de s’allier à leurs sœurs, devrait peut-être interdire aux riches de s’allier aux riches.

Qu’il est beau, même en spéculation, de voir certaines familles descendre d’une hauteur démesurée, tandis que d’autres monteraient, paraitraient sur la scène à leur tour & se régénéreraient. Cette espece d’échange