Page:La Brouette du vinaigrier Mercier Louis-Sébastien 1775.pdf/90

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Vous connaissez son cœur, son esprit, ses talens, il suit le même état que le vôtre, il est estimable, vous l’estimez, pourquoi n’aurait-il pas la préférence ?

M. Delomer.

Bon pere Dominique, y pensez-vous ? Je vous pardonne… vous êtes pere… mais.

Dominique pere.

Monsieur, il n’y a pas la moindre tache dans notre famille, nous allons tous la tête levée. Vous auriez tort de vous scandaliser de ma demande : allez, sous cet habit grossier, je sais ce que c’est que le monde, il est des préjugés que l’on sacrifie sans peine, pour peu que l’on raisonne. J’ai vu les grands, j’ai vu les petits ; ma foi, tout bien considéré, tout est de niveau. Ce qui en fait la différence ne vaut pas la peine d’être compté : mon fils a du savoir, de la figure, de l’honnêteté, des mœurs, de l’amour pour l’ordre & le travail, & qui sait jusqu’où ce garçon-là doit monter… c’est un grain de moutarde qui peut lever bien haut.

M. Delomer.

Vous avez raison, & je ne songeais pas qu’à commencer dès ce jour, je ne dois pas trouver un si grand intervalle entre lui & moi : (En soupirant.) ah quel jour, quel jour !… mais dites-moi la vérité, est-ce de son consentement que vous me déclarez ses sentimens, vous n’êtes pas fait pour vous avilir jusqu’au mensonge ?