Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/100

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ont été faites ; qui est détourné, par les grandes choses qu’il fait, des belles ou des agréables qu’il pourrait lire, et qui au contraire ne perd rien à retracer et à feuilleter, pour ainsi dire, sa vie et ses actions : un homme ainsi fait peut dire aisément, et sans se commettre, qu’il ne connaît aucun livre, et qu’il ne lit jamais.

68 (V)

On veut quelquefois cacher ses faibles, ou en diminuer l’opinion par l’aveu libre que l’on en fait. Tel dit : « Je suis ignorant », qui ne sait rien ; un homme dit : « Je suis vieux », il passe soixante ans ; un autre encore : « Je ne suis pas riche », et il est pauvre.

69 (IV)

La modestie n’est point, ou est confondue avec une chose toute différente de soi, si on la prend pour un sentiment intérieur qui avilit l’homme à ses propres yeux, et qui est une vertu surnaturelle qu’on appelle humilité. L’homme, de sa nature, pense hautement et superbement de lui-même, et ne pense ainsi que de lui-même : la modestie ne tend qu’à faire que personne n’en souffre ; elle est une vertu du dehors, qui règle ses yeux, sa démarche, ses paroles, son ton de voix, et qui le fait agir extérieurement avec les autres comme s’il n’était pas vrai qu’il les compte pour rien.

70 (I)

Le monde est plein de gens qui faisant