Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/117

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C’est une grande difformité dans la nature qu’un vieillard amoureux.

II2 (I)

Peu de gens se souviennent d’avoir été jeunes, et combien il leur était difficile d’être chastes et tempérants. La première chose qui arrive aux hommes après avoir renoncé aux plaisirs, ou par bienséance, ou par lassitude, ou par régime, c’est de les condamner dans les autres. Il entre dans cette conduite une sorte d’attachement pour les choses mêmes que l’on vient de quitter ; l’on aimerait qu’un bien qui n’est plus pour nous ne fût plus aussi pour le reste du monde : c’est un sentiment de jalousie.

II3 (I)

Ce n’est pas le besoin d’argent où les vieillards peuvent appréhender de tomber un jour qui les rend avares, car il y en a de tels qui ont de si grands fonds qu’ils ne peuvent guère avoir cette inquiétude ; et d’ailleurs comment pourraient-ils craindre de manquer dans leur caducité des commodités de la vie, puisqu’ils s’en privent eux-mêmes volontairement pour satisfaire à leur avarice ? Ce