Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/212

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en peut espérer, qui est de plaire. Il me paraît qu’on devrait seulement admirer l’inconstance et la légèreté des hommes, qui attachent successivement les agréments et la bienséance à des choses tout opposées, qui emploient pour le comique et pour la mascarade ce qui leur a servi de parure grave et d’ornements les plus sérieux ; et que si peu de temps en fasse la différence.

I3 (VI)

N… est riche, elle mange bien, elle dort bien ; mais les coiffures changent, et lorsqu’elle y pense le moins, et qu’elle se croit heureuse, la sienne est hors de mode.

I4 (VI)

Iphis voit à l’église un soulier d’une nouvelle mode ; il regarde le sien et en rougit ; il ne se croit plus habillé. Il était venu à la messe pour s’y montrer, et il se cache ; le voilà retenu par le pied dans sa chambre tout le reste du jour. Il a la main douce, et il l’entretien avec une pâte de senteur ; il a soin de rire pour montrer ses dents ; il fait la petite bouche, et il n’y a guère de moments où il ne veuille sourire ; il regarde ses jambes, et se voit au miroir : l’on ne peut être plus content de personne qu’il l’est de lui-même ; il s’est acquis une voix claire et délicate, et heureusement il parle gras ; il a un mouvement de tête, et je ne sais quel adoucissement dans les yeux, dont il n’oublie pas de s’embellir ; il a une démarche molle et le plus joli maintien qu’il est capable de se procurer ; il