Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

hommes, ou moins sujettes qu’eux aux bienséances ? Quelle est la pudeur qui engage celles-ci à couvrir leurs jambes et presque leurs pieds, et qui leur permet d’avoir les bras nus au-dessus du coude ? Qui avait mis autrefois dans l’esprit des hommes qu’on était à la guerre ou pour se défendre ou pour attaquer, et qui leur avait insinué l’usage des armes offensives et des défensives ? Qui les oblige aujourd’hui de renoncer à celles-ci, et pendant qu’ils se bottent pour aller au bal, de soutenir sans armes et en pourpoint des travailleurs exposés à tout le feu d’une contrescarpe ? Nos pères, qui ne jugeaient pas une telle conduite utile au Prince et à la patrie, étaient-ils sages ou insensés ? Et nous-mêmes, quels héros célébrons-nous dans notre histoire ? Un Guesclin, un Clisson, un Foix, un Boucicaut, qui tous ont porté l’armet et endossé une cuirasse. Qui pourrait rendre raison de la fortune de certains mots et de la proscription de quelques autres ? Ains a péri : la voyelle qui le commence, et si propre pour l’élision, n’a pu le sauver ; il a cédé à un autre monosyllabe, et qui n’est au plus que son anagramme. Certes est beau dans sa vieillesse, et a encore de la force sur son déclin : la poésie le réclame, et notre langue doit beaucoup aux écrivains qui le disent en prose, et qui se commettent pour