Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/301

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pas en moi de pouvoir jamais être, comme il ne dépend pas de moi, qui suis une fois, de n’être plus ; j’ai donc commencé, et je continue d’être par quelque chose qui est hors de moi, qui durera après moi, qui est meilleur et plus puissant que moi : si ce quelque chose n’est pas Dieu, qu’on me dise ce que c’est. Peut-être que moi qui existe n’existe ainsi que par la force d’une nature universelle, qui a toujours été telle que nous la voyons, en remontant jusques à l’infinité des temps. Mais cette nature, ou elle est seulement esprit ; et c’est Dieu ; ou elle est matière, et ne peut par conséquent avoir créé mon esprit ; ou elle est un composé de matière et d’esprit, et alors ce qui est esprit dans la nature, je l’appelle Dieu. Peut-être aussi que ce que j’appelle mon esprit n’est qu’une portion de matière qui existe par la force d’une nature universelle qui est aussi matière, qui a toujours été, et qui sera toujours telle que nous la voyons, et qui n’est point Dieu. Mais du moins