Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/74

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ses deux mains jointes et étendues qui lui prennent le nez et lui ferment la bouche ; il se retire confus, et va s’agenouiller ailleurs. Il tire un livre pour faire sa prière, et c’est sa pantoufle qu’il a prise pour ses Heures, et qu’il a mise dans sa poche avant que de sortir. Il n’est pas hors de l’église qu’un homme de livrée court après lui, le joint, lui demande en riant s’il n’a point la pantoufle de Monseigneur ; Ménalque lui montre la sienne, et lu dit : « Voilà toutes les pantoufles que j’ai sur moi » ; il se fouille néanmoins, et tire celle de l’évêque de, qu’il vient de quitter, qu’il a trouvé malade auprès de son feu, et dont, avant de prendre congé de lui, il a ramassé la pantoufle, comme l’un de ses gants qui était à terre : ainsi Ménalque s’en retourne chez soi avec une pantoufle de moins. Il a une fois perdu au jeu tout l’argent qui est dans sa bourse, et, voulant continuer de jouer, il entre dans son cabinet, ouvre une armoire, y prend sa cassette, en tire ce qu’il lui plaît, croit la remettre où il l’a prise : il entend aboyer dans son armoire qu’il vient de fermer ; étonné de ce prodige, il l’ouvre une seconde fois, et il éclate de rire d’y voir son chien, qu’il a serré pour sa cassette. Il joue au trictrac, il demande à boire, on lui en apporte ; c’est à lui à jouer, il tient le cornet d’une main et un verre de l’autre, et comme il a une grande soif, il avale les dés et presque le cornet, jette le verre d’eau dans le trictrac,