Page:La Bruyere - Caracteres ed 1696.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nourrice pendant qu'il tette, lui fait avaler quelque chose qu'il a mâché, bat des mains devant lui, le caresse, et lui parle d'une voix contrefaite; qui choisit le temps du repas, et que le potage est sur la table, pour dire qu'ayant pris médecine depuis deux jours, il est allé par haut et par bas, et qu'une bile noire et recuite était mêlée dans ses déjections; qui, devant toute une assemblée, s'avise de demander à sa mère quel jour elle a accouché de lui; qui ne sachant que dire, apprend que l'eau de sa citerne est fraîche, qu'il croît dans son jardin de bonnes légumes, ou que sa maison est ouverte à tout le monde, comme une hôtellerie; qui s'empresse de faire connaître à ses hôtes un parasite qu'il a chez lui; qui l'invite à table à se mettre en bonne humeur, et à réjouir la compagnie. De la sotte vanité

La sotte vanité semble être une passion inquiète de se faire valoir par les plus petites choses, ou de chercher dans les sujets les plus frivoles du nom et de la distinction. Ainsi un homme vain, s'il se trouve à un repas, affecte toujours de s'asseoir proche de celui qui l'a convié. Il consacre à Apollon la chevelure d'un fils qui lui vient de naître; et dès qu'il est parvenu à l'âge de puberté, il le conduit lui-même à Delphes, lui coupe les cheveux, et les dépose dans le temple comme un monument d'un voeu solennel qu'il a accompli. Il