Page:La Chanson de la croisade contre les Albigeois, 1875, tome 2.djvu/100

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introduction, § x.

C’est ici en quelque sorte le point culminant de la chanson. C’est à ce moment que le poète, triomphant avec Toulouse, a dû commencer à écrire, ayant les yeux fixés vers l’instant où l’ennemi du comte légitime devait tomber, non dans la gloire du soldat mourant à son poste, mais dans la réprobation du coupable frappé par le jugement de Dieu. Jusqu’ici il s’est contenu : ses sentiments à l’égard de Simon paraissent çà et là dans les discours qu’il prête à ses personnages, il ne les exprime guère en son nom personnel. Mais le moment de la vengeance et du triomphe arrivé, son indignation longtemps comprimée s’échappe en une invective véhémente :

Tout droit à Carcassonne ils le portent pour l’ensevelir, pour célébrer le service au moûtier Saint-Nazaire. Et on lit sur l’épitaphe, celui qui sait lire : qu’il est saint, qu’il est martyr, qu’il doit ressusciter, avoir part à l’héritage [céleste] et fleurir dans la félicité sans égale, porter la couronne et siéger dans le royaume [de Dieu]. Et moi j’ai ouï dire qu’il en doit être ainsi : si, pour tuer des hommes et répandre le sang, pour perdre des âmes, pour consentir à des meurtres, pour croire des conseils pervers, pour allumer des incendies, pour détruire des barons, pour honnir Parage, pour prendre des terres par violence, pour faire triompher orgueil, pour attiser le mal et étouffer le bien, pour tuer des femmes, égorger des enfants, on peut en ce monde conquérir Jésus-Christ, il doit porter couronne et resplendir dans le ciel ! Et veuille le fils de la Vierge, qui fait briller le droit, qui a donné sa chair et son sang précieux pour détruire orgueil, veiller sur raison et droiture qui sont en passe de périr, et qu’entre les deux partis il fasse briller le droit !

Entre la levée du siège de Toulouse (fin de juillet 1218) et la nouvelle croisade conduite par le fils du roi de France (printemps 1219), se passèrent des faits de guerre importants et en somme favorables au parti de Toulouse, tels que la reprise de Marmande, faits sur lesquels nous sommes mal renseignés : le poète se borne à les indiquer en quelques