Page:La Chanson de la croisade contre les Albigeois, 1875, tome 2.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xcix
introduction, § xi.

2. Langue.

Avant de rechercher de quelle nature est la langue employée par Guillem de Tudèle, il importe de savoir quel était l’idiome naturel d’un auteur né à Tudèle. Fauriel s’est débarrassé aisément de cette question en disant : « J’ignore quelle langue on parlait à Tudèle vers 1210 ; c’était peut-être encore le basque ; ce n’était point le provençal[1]. » Ce n’était pas le basque assurément : M. Fr. Michel l’a dit avant moi[2], mais je ne crois pas qu’il ait invoqué contre l’opinion de Fauriel des arguments décisifs. La question mérite donc d’être examinée brièvement. « Aussi loin que nous pouvons remonter, » dit M. Michel, « nous trouvons en Navarre le basque relégué dans les Pyrénées, et la langue romane régnant dans les villes de la plaine. Nous pourrions citer cent preuves de ce que nous avançons ici ; nous nous bornerons à trois ou quatre. » Les preuves alléguées consistent en ce que des actes rédigés à Pampelune sont en « langue romane », et toutes, selon M. Michel, « dans le même dialecte roman ». Il y a ici une petite erreur en ce sens que les pièces alléguées appartiennent en réalité à deux dialectes fort distincts, comme nous allons le voir ; mais en somme elles sont en roman et non en basque. M. Michel conclut que si à Pampelune, « à la porte des Pyrénées basques, on parlait roman, à bien plus forte raison devait-on employer ce langage à Tudela, bien plus rapproché de l’Aragon, où le basque n’a jamais été en usage sinon dans les temps anté-historiques. »

  1. Introduction, p. XVIII.
  2. Dans l’Introduction au poème de la Guerre de Navarre, p. XXIX.