U nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit commence
la chanson que fit maître Guillaume, un clerc
qui fut élevé en Navarre, à Tudèle. Il est très-savant et
preux, selon ce que dit l’histoire ; [5] des clercs et des
lais il fut chaudement accueilli, des comtes, des vicomtes
aimé et écouté. Pour la destruction qu’il
connut et vit en la géomancie, car il avait longtemps
étudié, et pour ce qu’il connut que le pays serait
brûlé et dévasté [10] à cause de la folle créance à laquelle
ils (les habitants) avaient consenti, et que les
riches bourgeois seraient dépouillés des grands biens
dont ils s’étaient enrichis, et que les chevaliers s’en
iraient bannis, misérables, en terres étrangères, tristes
et marris, [15] il résolut en son cœur, — car il était
habile, et à tout ce qu’il voulait prêt et dispos, — de
faire un livre qui fût ouï par le monde, pour que son
savoir et son sens en fussent répandus. Alors il fit ce
livre et l’écrivit lui-même[1]. [20] Depuis qu’il fut com-
- ↑ La bonne leçon est évidemment celle du fragment de Raynouard, reproduite en note aux pages 1 et 2 du tome précédent. Voici la traduction du morceau auquel ce fragment apporte