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croisade contre les albigeois.

avec son cheval courant, à Beaucaire d’où il était, où furent ses parents. Mais[1], avant de mourir, levant ses mains au ciel, [90] il (Peire) pria Dieu, en présence de tout le peuple de pardonner ses péchés à ce félon sergent, quand il eut reçu la communion, vers le chant du coq ; il mourut après, à l’aube naissant. L’âme s’en est allée au Père tout puissant ; [95] à Saint-Gilles on l’enterre avec force cierges allumés, avec force Kyrie eleison que chantent les clercs.

V.

Quand le pape sut, à qui on dit la nouvelle, que son légat avait été tué, sachez qu’elle lui fut pénible. De l’affliction qu’il en eut il tint la main à sa mâchoire[2] [100] et invoqua saint Jacques de Compostelle, et saint Pierre de Rome qui gît en la chapelle. Quand il

    Cassan : XVIIII cal. Febr. obiit Petrus do Castronovo, D. pape legatus, presbyter et monachus Fontis Frigidi (Vaissète, II, pr. p. 15). Les deux récits originaux les plus circonstanciés que nous ayons de sa mort sont celui de Guillaume de Tudèle et celui qu’Innocent III a inséré dans deux lettres du 10 mars 1208 (l. XI, ep. XXVI-XXIX, Potthast nos 3323 et 3324 ; cf. P. de V.-C. ch. VIII). Ces deux récits se complètent mutuellement et ne se contredisent sur aucun point, sinon que le pape (comme aussi P. de V.-C. ch. LXIV) suppose que le meurtre eut lieu à l’instigation du comte de Toulouse. Dans une lettre postérieure de quatre ans (l. XV, ep. CII), il se borne à l’en déclarer très-suspect (valde suspectus).

  1. Ce « mais » (pero) n’est guère motivé ; p.-ê. y a-t-il une omission entre les vers 88 et 89.
  2. C’est dans les chansons de geste le signe ordinaire d’une vive affliction :

    Par irour tint sa main a sa maissele. (Raoul de Cambrai, p. 48.)
    Et Geris pleure sa main a sa maissele (Ibid., p. 136.)