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[1208]
croisade contre les albigeois.

France et par tout le royaume[1], quand on sait qu’on sera pardonné de ses péchés. Jamais, depuis ma naissance, je ne vis une aussi grande assemblée [que celle] qu’ils font contre les hérétiques et les sabatatz[2] ; [170] car le duc de Bourgogne s’est alors croisé[3] et le comte de Nevers[4] et maint puissant seigneur. Et je ne m’inquiète pas de dire comment ils furent armés, ce que coûtèrent les croix d’orfroi et de soie qu’ils se mirent sur la poitrine au côté droit[5], [175] ni comment ils furent vêtus ni montés, ni comment leurs chevaux étaient bardés de fer et armoriés ; car jamais

  1. La « France » c’est l’Île-de-France, ou au plus le domaine direct du roi ; « tout le royaume, » c’est tout le pays sur lequel s’étendait sa suzeraineté.
  2. Sabatat ou ensabatat, Vaudois, Pauvres de Lyon, sont trois désignations d’une même secte (Du Cange, Sabattati) qui était fort distincte de celle des hérétiques Albigeois ou Cathares (Schmidt, Cathares, II, 267-70).
  3. Eudes III, ✝ 1218. On a de lui une charte qui se termine ainsi : « Actum anno incarnati verbi MCCIX cum iter arripuissem super Albigenses, mense Junio. » Bréquigny, Table chronol., IV, 473.
  4. Hervé IV de Donzy, comte de Nevers par son mariage avec Mahaut, fille de Pierre de Courtenai et d’Agnès, comtesse de Nevers ; Art de vér. les dates II, 565. Nous avons de lui deux actes, du 22 juin 1209, dans lesquels il fait mention de sa participation à la croisade (Gall. Christ., XII, instr. 149). — Le duc de Bourgogne, le comte de Nevers et le comte de Saint-Pol dont il sera question plus loin (v. 266), paraissent être les premiers entre les seigneurs français, qui aient pris la croix. Ce sont les seuls que le pape désigne nominativement comme croisés dans sa lettre du 9 octobre 1208 (l. XI, ep. CLVIII, Potthast n° 3511).
  5. Dans le texte j’ai indiqué par des points une lacune après le v. 173. M. A. Molinier (Revue critique, 1876, I, 227, note) est d’avis qu’une simple transposition suffirait à rétablir la suite du sens. Je me range à son opinion, sauf qu’au lieu de reporter, avec lui, les vers 172 et 173 après le v. 176, je me borne à les placer après 174.