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croisade contre les albigeois.

corder avec le clergé et avec la croisade plutôt que d’être passés au fil de l’épée[1]. [395] Mais à la majorité du peuple sachez que ce projet n’agrée point ; loin de là, ils disent qu’ils se laisseraient noyer dans la mer, plutôt que de consentir à ces propositions, et que les croisés n’auront du leur un denier vaillant pour qu’ensuite leur seigneur soit remplacé par un autre. [400] Ils n’imaginent pas que l’ost puisse durer, [ils croient] qu’avant quinze jours elle se sera dispersée, car ils (les croisés) occupent bien une grande lieue de long ; à peine tiennent-ils en chemin ni en route. Ceux de Béziers croient leur cité si fortement fermée, [405] et [si bien] close et garnie de murs tout à l’entour, que d’un mois tout entier [les croisés] ne la sauraient forcer. Salomon dit à la reine de Saba[2] la sage, que de ce que fol pense bien souvent peu de chose se réalise. Quand l’évêque connut que la croisade était engagée, [410] que [les habitants] ne prisaient son exhortation une pomme pelée, il remonta sur la mule qu’il avait amenée, et s’en alla vers l’ost qui s’est mise en route.

  1. La démarche de l’évêque de Béziers est exposée avec une tout autre précision par P. de V.-C, et dès lors la résistance des habitants de Béziers devient fort naturelle et même grandement honorable. Ce que l’évêque était chargé de leur demander, ce n’était rien de moins que de livrer aux croisés les hérétiques qu’ils avaient parmi eux et dont il avait dressé la liste (P. de V.-C. l. l.). Le même fait est encore constaté dans la lettre des légats à Innocent III (Innoc. III epist. l. XII, ep. CVIII).
  2. Austria dans le texte, à cause de l’expression Regina Austri de Math, XII, 42, et de Luc XI, 31. La maxime qui suit doit être imitée librement du livre des Proverbes : voir XVIII, 2 ; XXIV, 9, etc. La forme ordinaire de ce prov. est en français : « Molt remaint de ce que fols pense » ; voy. Le Roux de Lincy, Le livre des proverbes français, II, 490 ; Pierre Cochon, Chronique normande, éd. Ch. de Beaurepaire, p. 42, etc.