Seigneurs, l’avoir fut merveilleusement grand que les Français et les Normands eurent de Béziers ; pour toute leur vie ils en étaient riches, n’eussent été les ribauds et leur roi avec les misérables truands [530] qui brûlèrent la ville, les femmes et les enfants, et les vieux et les jeunes, et les prêtres qui se tenaient revêtus (de leurs ornements) dans le moûtier. Trois jours ils ont séjourné dans les prés verdoyants ; au quatrième se sont mis en marche chevaliers et sergents [535] par la terre qui est unie, où rien ne les arrête, leurs étendards levés et flottant au vent. Un mardi soir[1], aux vêpres sonnantes, ils arrivèrent à Carcassonne, dont les habitants étaient dolents pour le massacre de Béziers que je viens de vous conter. [540] Le vicomte se tenait sur les murs et sur les galeries, et regardait l’ost avec stupeur. Il appela en conseil[2] chevaliers et sergents, ceux qui sont bons aux armes et les meilleurs combattants : « Barons, » dit-il, « montez à cheval ; [545] sortons là dehors, et soyons quatre cents de ceux qui ont les meilleurs coursiers : avant qu’il soit nuit obscure et que le soleil se couche nous pouvons déconfire ceux qui sont par ces pentes.