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croisade contre les albigeois.

riche pavillon. Là descendirent monseigneur le roi et les siens, qui sont venus de Catalogne et d’Aragon. [610] Quand ils eurent dîné et bu[1], il monte sur le palefroi qui était bai et à tous crins, et entre en la ville sans armes et sans écu ; il mena trois compagnons, les autres sont restés. Le vicomte, quand il le vit, est couru au devant de lui, [615] ainsi que tous ses chevaliers qui en ont eu grande joie, pensant être par lui alors soutenus, car ils étaient ses hommes, ses amis, ses privés ; et ils l’étaient bien : mais il n’est pas venu....[2] car il n’a pouvoir ni force ni vertu[3], [620] sinon celle de la prière, si on voulait l’en croire. Le vicomte lui a conté comment il lui est advenu du massacre de Béziers, et comme les croisés l’ont ruiné ; comme ils lui ont dévasté et confondu sa terre. Quand il l’eut bien écouté, le roi lui a répondu : [625] « Baron, par le seigneur Jésus, vous ne m’en devez blâmer, car je vous ai requis[4] et semons de chasser les hérétiques, au lieu que en cette ville (Béziers) il s’est tenu maint conciliabule de cette folle croyance.

XXVIII.

[630] « Vicomte, » dit le roi, « il me pèse grandement que vous soyez en tel tourment et en tel péril pour une folle gent et pour leur folle croyance.

  1. On sait qu’après avoir dîné on passait un certain temps à boire du vin.
  2. Voir au t. I la note sur le v. 618.
  3. Vertu au sens de force ; c’est une locution courante de l’ancien français, qui paraît déjà plus haut, v. 373.
  4. Le sens de defendut (616) est douteux ; voir au vocabulaire.