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croisade contre les albigeois.

nous serons vainqueurs, [2090] et vous resterez maître du champ de bataille, vous et ceux qui seront avec vous. Vous y perdrez d’abord et y éprouverez grande perte. — À la bonne aventure ! » dit Bouchart, tout cela[1], je m’en soucie moins que d’un gant : que seulement le champ soit nôtre ! Nous et ceux qui succomberont, nous serons honorés, autant que nous serons de morts, [2095] et les âmes de tous ceux qui mourront ici seront sauvées ; et si nous y perdons [du monde], ils y perdront aussi des meilleurs de leurs barons. »

XCVI.

Le comte de Foix chevauche avec de ses compagnons vers Saint-Martin des Bordes[2] : tel était le nom de ce lieu. [2100] Ils ont les lances dressées sur les arçons de devant et vont criant « Toulouse ! » par la plaine qui est belle et longue. Les arbalétriers tirent flèches et javelots. Tels furent les cris qu’ils poussèrent et le retentissement, que vous eussiez dit que le ciel et le firmament allaient tomber. [2105] À l’abaisser des lances grande fut la lutte : les Toulousains crient « Toulouse ! » et les Gascons « Comminges ! » et les autres crient « Foix ! » et « Montfort ! » et « Soissons[3] ! »

  1. C’est-à-dire : la perte que nous pourrons éprouver.
  2. « Castrum quod dicitur S. Martinus » P. de V.-C. ch. LVII ; Bouq. 53 e. Saint-Martin et les Bordes sont deux communes du canton de Castelnaudari, sises sur la route de Carcassonne.
  3. J’abandonne la correction proposée au t. I (v. 2107). J’ignore qui pouvait parmi les Croisés crier « Soissons », car le comte de Soissons ne se montre que beaucoup plus tard (v. 7865).