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croisade contre les albigeois.

son affliction et se distraire. Les prélats de l’Église viennent, prononçant des paroles discordantes[1], par devant le pape pour faire une démarche[2], [3385] et ils accusent les comtes avec dureté et violence : « Sire, si tu leur rends leur terre, nous sommes tous demi-morts ; si tu la donnes à Simon, nous sommes sauvés. — Barons, » dit le pape, « ne vous déplaise que je me consulte. » Il a ouvert un livre, et reconnu par un sort[3] [3390] que le comte de Toulouse peut arriver à bon port. — « Seigneurs, » dit le pape, « en cette affaire, je suis en désaccord avec vous. Contre droit et raison, comment aurais-je l’injustice de déshériter à tort le comte qui est vrai catholique, de lui enlever sa terre, de transporter son droit [à autrui]. [3395] Il ne me semble pas que ce soit raison ; mais je consens à ceci : Que Simon ait toute la terre ! car je la lui confirme en ces termes : toute celle des hérétiques du Puy jusqu’à Niort[4], et du Rhône jusqu’au Port[5], moins celle des orphelins et des

  1. C.-à-d., si j’entends bien vengro a un descort, parlant sans ordre, tous à la fois, de façon que leurs paroles ne formaient point un ensemble harmonique, un accord.
  2. Per traire .j. bel conort est bien obscur ; p.-ê. obtiendrait-on un sens un peu meilleur en corrigeant .j. bel en ab el, « pour prendre conseil avec lui » ?
  3. Allusion à une superstition, venue de l’antiquité, restée très-vivace au moyen âge, et sur laquelle on a une infinité de témoignages ; voy. Du Cange, Sortes sanctorum, VI, 304 ; Hist. littéraire, III, 11 et suiv. ; Flamenca, v. 2300, etc. On sait par P. de V.-C. (fin du ch. xvii) que Simon de Montfort avait ainsi, en ouvrant au hasard un psautier, pressenti l’avenir avant de se croiser.
  4. Niort, qui est une limite beaucoup trop septentrionale, a sans doute été suggéré par la rime.
  5. Saint-Jean-Pied-de-Port, ou le Port de Venasque ?