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croisade contre les albigeois.

de te désoler ; je sais bien ce qu’en tout cela j’ai à faire. [3635] Laisse-moi un peu me remettre et réfléchir, je ferai amender ton droit et mon tort. Si je t’ai dépouillé, Dieu peut t’enrichir ; si tu as grande affliction, Dieu peut te remplir d’allégresse, et ce que tu as perdu Dieu peut te le restituer ; [3640] si tu vas dans les ténèbres, Dieu peut t’inonder de lumière. Et puisque Dieu a pouvoir d’ôter et de donner, garde-toi de désespérer en rien de lui. Si Dieu me laisse assez vivre pour que je puisse gouverner selon la justice, je ferai monter ton droit si haut [3645] que tu n’auras plus cause de t’en plaindre à Dieu ni à moi. Et quant aux hommes cruels qui m’accusent, je te dis qu’avant peu tu m’en verras prendre vengeance. Donc, en te retirant, emporte ce souhait que, si tu as bon droit, Dieu te vienne en aide ! [3650] Tu me laisseras ton fils, car je veux chercher par quel moyen je pourrai lui donner un héritage. — Sire, » dit le comte, « en ta sainte garde je laisse et mon fils et mon sort. » Le pape le bénit en lui donnant congé. [3655] Le comte de Foix resta pour faire valoir ses droits, et le pape ordonne que son château lui soit rendu. Alors le père et le fils se prirent à soupirer, le fils parce qu’il restait, le père parce qu’il partait. Le comte sortit de Rome au point du jour, [3660] et se trouva rendu à Viterbe, pour la fête. Le comte de Foix y vint à la nuit tombante, et ils y séjournèrent pour y célébrer ce jour. Puis le comte s’en va veiller à Saint-Marc[1] et vénérer le saint corps ;

  1. Saint-Marc est à Venise, qui n’est guère sur le chemin de Viterbe à Gênes. La mention de S. Marc a été omise par la rédaction en prose.