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croisade contre les albigeois.

mauvais et bon[1]. Car le comte de Montfort qui détruit les barons, l’Église de Rome, la prédication, font que Parage reste honni et vergogneux. [3795] Ils l’ont tellement renversé de haut en bas, que s’il n’est relevé par vous il est éclipsé à tout jamais. Si Prix et Parage ne sont restaurés par vous, Parage est mort et tout le monde en vous. Et puisque vous êtes le véritable espoir de tout Parage, [3800] ou Parage entier mourra, ou, vous, montrez-vous preux. — Gui, » dit le jeune comte, « j’ai le cœur joyeux de ce que vous m’avez dit, et je vous ferai brève réponse : Si Jésus me sauve moi et mes compagnons, et me rend Toulouse, que je désire, [3805] jamais Parage ne sera besoigneux ni honni ; car il n’y a en ce monde aucun homme assez puissant pour me détruire, si n’était l’Église[2]. Et si grand est mon droit et ma raison que si j’ai ennemis mauvais et orgueilleux, [3810] à celui qui me sera léopard, moi je serai lion ! » Ils vont ainsi devisant d’armes, d’amours, de dons, jusqu’à tant que la nuit tombe et qu’Avignon les reçoit. Et lorsque par la ville s’est répandue la rumeur [de leur arrivée], il n’y a vieux ni jeune qui n’aille volontiers [3815] par toutes les rues et devant les maisons. Celui qui court le mieux se tient pour fortuné. Les uns crient « Toulouse ! » pour le père et pour le fils, et les autres « la joie ! car désormais Dieu sera avec nous ! » Le cœur plein de force, les yeux en larmes, [3820] tous devant le

  1. Mauvais pour vos ennemis, bon pour vos partisans.
  2. Voy., au t. I, la note des vers 3806-7.