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croisade contre les albigeois.

.....[1] Puis ils disent au comte [de Montfort] : « Nous n’avons pas fait un grand exploit : votre merci est morte en péché[2], [6425] et avec votre présomption, votre outrecuidance, avec votre dureté vous les avez tellement fait souffrir[3] qu’aucun changeur n’a jamais tant perdu au change, car vous avez donné les toulousains pour des pougeoises à la croix[4]. Et maintenant qu’ils ont recouvré leur bon et légitime seigneur, [6430] voici que le lièvre a pour toujours le champ libre[5]. » Et le comte s’en revient, le cœur triste et plein de dépit, tremblant de colère sous son heaume baissé. Les barons de Gascogne qui avaient été mandés au siége, et s’étaient rendus auprès du comte tristement et à contre-cœur [6435] qui qu’en pleure ou s’en plaigne, rient et se réjouissent. On se dit l’un à l’autre : « Ah ! la noble Tou-

  1. Lacune, voy. au t. I la note du v. 6422.
  2. Cela n’a guère de sens en français et n’en a pas beaucoup plus en provençal. Il faut savoir cependant que la puissance de Merci (merci ayant un sens plus général que miséricorde, et désignant en général la bonté), est un des lieux communs de la poésie des troubadours ; être dépourvu de merci c’est manquer d’une des principales qualités qu’on prisait chez un seigneur aussi bien que chez une dame.
  3. Fort douteux ; voy. au t. I, la note du v. 6426.
  4. La pougeoise, originairement denier du Puy, était une monnaie de très-peu de valeur. D’après une charte d’Alphonse de Poitiers (1253) il en fallait quatre pour faire un toulousain (Du Cange, IV, 530 a et V, 328 a). « À la croix » est une traduction hasardée de de creis.
  5. Cette interprétation, qui est celle de Fauriel et de M. Chabaneau (Revue des langues romanes, 2, I, 204), sans être très-sûre, a sur celle à laquelle je m’étais d’abord arrêté (voy. au t. I la note du v. 6430) l’avantage de n’exiger qu’une très-légère correction : a pour e.