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introduction, § vii.

il fut pris dans un château du Quercy que lui avait donné Simon de Montfort, et livré à Raimon qui le fit pendre[1].

Cet acte fut diversement apprécié. G. de Puylaurens semble blâmer plutôt les circonstances de l’exécution que l’exécution elle-même. « Raimon aurait dû au moins », dit-il, « épargner à Baudouin la honte de la potence, et le faire mourir d’un supplice moins infâme. » Pierre de Vaux-Cernai se répand, selon son usage, en invectives contre Raimon et ceux qui l’aidèrent en cette circonstance, tandis que d’autres voyaient dans la mort de Baudouin un châtiment de Dieu. Telle est du moins l’idée qui anime Peire Cardinal dans un sirventès où on s’accorde à reconnaître une allusion à cet événement, bien que le frère du comte de Toulouse n’y soit pas nommé :

J’ai bien raison de me réjouir, d’être joyeux et gai, de dire chansons et lais, et de dérouler un sirventès, car Loyauté a vaincu Fausseté, et il n’y a pas longtemps que j’ai entendu conter qu’un grand traître a perdu son pouvoir et sa force.

Dieu fait et fera et a fait, lui qui est doux et juste, droit aux bons comme aux méchants, les récompensant selon leurs mérites ; car tous vont à la paie, les trompés et le trompeur, et Abel aussi bien que son frère : les traîtres périront et les trahis seront bien accueillis.

Je prie Dieu de poursuivre les traîtres, de les abaisser, de les abattre, comme il a fait pour les Algais[2], car ils sont pires encore ; car on sait bien qu’un traître est pire qu’un larron[3]. Ainsi qu’on peut faire d’un convers un moine tonsuré, d’un traître on fait un pendu...

On peut avoir en abondance harnais, chevaux gris et bais, tours, murs, palais, quand on est riche homme, pourvu qu’on renie Dieu. Bien fol est donc celui qui pense qu’en s’appropriant

  1. Pierre de Vaux-Cernai, ch. LXXV ; Guill. de Puylaurens, ch. XXIII.
  2. Voy. sur ces routiers II, 109, note 1.
  3. Il considère les Algais comme de simples brigands.