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croisade contre les albigeois.

CXCV.

Avec Pâques vint la douce saison. [7160] De l’ost sortirent Amauri, Gui, le comte, le cardinal, et maints autres barons, délibérant ensemble et parlant secrètement : « Seigneurs, » dit le comte, « grande est la dépense que je fais à ce siége, et j’y perds mes compagnons. [7165] Jour et nuit je suis pensif et soucieux, car je ne puis tenir mes promesses ni distribuer mes dons[1]. La Chrétienté entière est déshonorée, quand des hommes sans armes nous tiennent tête[2]. — Comte, » dit le cardinal, « ne craignez point : [7170] j’ai fait partir les appels à la croisade et les sermons ; et à la Pentecôte, au temps amoureux, la chrétienté viendra, la prédication se fera, et des terres étrangères il arrivera si grande procession que de seules guisarmes, de beaux chaperons, [7175] de chapeaux de feutre, de gants, de bourdons de pèlerins, nous leur emplirons les lisses, les fossés, les bas-fonds. Nous prendrons la ville, et vous en recevrez la seigneurie, et les hommes et les femmes et les maisons nobles passeront par le feu et deviendront charbon. » [7180] Tous les barons l’écoutent en silence, mais Robert de Beaumont lui fait une réponse mordante : « Par Dieu, notre cher père, ce succès-là il ne vous convient pas de nous en parler, ni de nous promettre de pardon : car, par Sainte Marie, mère du glorieux Jésus, [7185]

  1. Voy. p. 190 n. 1.
  2. Cf. v. 6590.